Numérique / Territoires

TRIP d'automne 2023 - Discours de Jean-Noël Barrot, Ministre délégué chargé du numérique Décembre 2023

(Retranscription, seul le prononcé fait foi)

 

Monsieur le Préfet,

Mesdames et Messieurs les parlementaires,

Mesdames et Messieurs les élus,

Cher Patrick Chaize,

Mesdames et Messieurs,

 

Au terme d'un suspens que je n'hésite pas à qualifier d'insoutenable, Patrick Chaize a été réélu Président de l’Avicca pour une quatrième fois consécutive. Je vous demande donc, ainsi qu'à son conseil d'administration renouvelé, de leur adresser vos plus chaleureuses félicitations.

Notre pays a été touché ces derniers jours par deux tempêtes d'une brutalité inouïe. Je me suis rendu hier dans le département du Finistère à la rencontre des collaborateurs, des opérateurs d'infrastructures et des opérateurs commerciaux qui sont à pied d'œuvre depuis le début de cette crise majeure pour rétablir les réseaux de télécommunication.

Au plus fort de la crise, ce sont un million de personnes, plus d'un million de personnes qui étaient privées de communications mobiles. Nous sommes à ce jour à moins de 500 000 personnes privées de connexions mobiles. C'est-à-dire que grâce à la mobilisation de ces collaborateurs, de ces agents en lien étroit avec les équipes des collectivités locales, dont je salue les responsables élus aujourd'hui présents, plus de 500 000 de nos concitoyens qui ont pu retrouver en quelques heures, parfois en quelques jours l'accès aux communications mobiles. Là aussi, je vous demande, mesdames et messieurs, si vous le voulez bien, de leur adresser vos chaleureux applaudissements et encouragements.

Patrick Chaize le disait, il y a résolution de la crise, et je l'espère et le souhaite vivement, d'ici la fin de la semaine, 95% des personnes encore privées d'accès au réseau mobile l'auront retrouvé. Il restera sans doute un résiduel lié à la dégradation de pylônes ou d'équipements mobiles qu'il conviendra de remplacer, ce qui prendra un petit peu plus de temps. Il faudra un peu plus de temps encore pour rétablir l'ensemble des clients fixes en raison de l'impact de ces deux tempêtes sur les infrastructures, et en particulier sur les infrastructures aériennes et les poteaux qui, par milliers, ont été fauchés par les vents violents, dans 15 départements de notre pays.

Ce qui pose effectivement, Patrick Chaize l'a bien dit, la question de la résilience que nous avions déjà abordée avec les opérateurs. Je salue les représentants dans la salle, pour minimiser l'impact qu'aurait pu avoir l'hiver dernier d'éventuelles décisions de délestage. Ce qui nous avait conduit d'ailleurs à lancer, au début de l'été, une mission d’inspection pour faire un état des lieux des actions à entreprendre du côté des opérateurs, du côté de l'État, du côté des ministres. Il faut garantir que ces réseaux de télécommunication qui se sont déployés à grande vitesse grâce à la mobilisation collective, mais qui se sont déployés sans qu'au moment où ce déploiement a été initié nous puissions envisager que, dix ans plus tard, l'intégralité de nos vies économiques et sociales puissent se retrouver assises sur ces infrastructures. Et donc pour le court, moyen et long terme, il va nous falloir engager la réflexion incontournable sur la robustesse et la résilience de ces infrastructures, pour que lorsque des catastrophes adviendront - et elles adviendront inévitablement - notre capacité d'y répondre, notre capacité de rétablir les connexions mobiles et fixes soient les plus promptes possibles, de manière à ce que nos concitoyens puissent reprendre dès les jours qui suivent l'avènement de ce type d'épisodes catastrophiques, une vie qui soit normale. Mais je vous l'annonce, nous allons avoir beaucoup de travail et nous allons devoir, me semble-t-il, même si nous attendrons pour prendre des décisions en éclairage de cette mission d’inspection, des investissements à consentir.

J'en viens maintenant à la question des déploiements, puisque le président Chaize m'a tendu la perche, et je voudrais dire au passage, que je suis honoré de l'honneur qu'il me fait de me confier le « baromètre » de la qualité des déploiements, en précisant qu'il met la « barre haut ».

Nous allons fêter dans quelques jours – cela fait des mois qu'on en parle - le dixième anniversaire du Plan France Très Haut Débit, avec les bougies, avec le gâteau, on y veillera. Parce que c'est un moment important quand, dix ans après le début d'un chantier de cette envergure-là, on peut constater que grâce à votre mobilisation, grâce à la mobilisation de l'État et des opérateurs, nous avons, bon gré, mal gré, tenu les objectifs et en tout cas, nous avons placé la France dans le peloton de tête des pays les plus avancés dans le déploiement de la fibre. Et ça, ça se fête.

Cependant, force est de constater que depuis un an et demi, on a eu l'occasion d'en parler lors des précédents colloques TRIP, les déploiements ont ralenti, voire dans certaines zones se sont arrêtés tout net. Et cela, c'est un problème pour nous tous, et c'est un problème en particulier pour moi parce que tout en haut de ma fiche de poste, il y a marqué « Généralisation de la fibre en 2025 » et vous savez bien qui signe ma fiche de poste. Et donc, je ne pouvais pas rester les bras ballants face à ce ralentissement et à cet arrêt dans certaines zones des déploiements, qui menacent l'atteinte de l'objectif qui est évidemment fondamental pour notre pays, en plus de l'être, pour ma fiche de poste et l'atteinte de mes propres objectifs, évidemment.

Alors, il y avait une solution très confortable pour toute personne qui occupe les responsabilités que j’exerce aujourd'hui, et qui aurait consisté à, comme ça a pu être fait par le passé, adresser une lettre à la présidente de l'ARCEP pour lui demander d'ouvrir une procédure de sanction à l'encontre de l'opérateur Orange pour n'avoir pas respecté au 31 décembre 2022 les objectifs que l'opérateur s'était lui-même fixés et donc d'engager ainsi le processus de sanction.

Une solution qui me tentait vraiment, parce que vous savez, quand on est responsable politique, quelle que soit la responsabilité qu'on exerce, sanctionner une grande entreprise du numérique, ça ne fait jamais de mal, ça vous fait même en général gagner des points de popularité.

Mais j'ai dû renoncer à cette option parce que, en y réfléchissant vraiment, la conclusion à laquelle je suis parvenu, c'est qu’une telle décision n'aurait que très partiellement résolu les problèmes. D'abord parce qu'elle n'aurait pas conduit la zone AMII à être déployée immédiatement. Je n'aurais pas gagné grand-chose en termes de délai. Ensuite parce qu'elle n'aurait résolu les problèmes que dans certaines parties de notre territoire, et puis parce qu'enfin sur le plan philosophique, si l'on peut dire, mettre en demeure c'est une chose, ouvrir une procédure de sanction en est une autre, sanctionner en est une troisième, mais tout cela ne garantit en aucun cas que les déploiements soient faits.

Et je ne suis pas, pour revenir ma fiche de poste, je ne suis pas payé pour sanctionner les uns ou les autres, je suis payé pour que les déploiements soient faits et qu'en 2025 tout Français qui le souhaite puisse être raccordé à la fibre. Cela m'a donc conduit à emprunter un autre chemin et à ouvrir avec mon équipe - que je remercie pour le travail réalisé - des discussions avec l'opérateur. Depuis neuf mois, nous avons une négociation particulièrement serrée pour que nous puissions garantir la reprise des déploiements et l'atteinte de l'objectif présidentiel de la généralisation de la fibre en 2025. Ces discussions ont abouti donc récemment à un accord entre l'État et l'opérateur Orange que je peux essayer de synthétiser en quelques points, et qui constitue – je précise, puisque j'avais eu l'occasion de m'exprimer devant un certain nombre d'entre vous – qui constitue la pierre angulaire ou l'une des pierres angulaires du droit au très haut débit pour tous que j'avais annoncé en fin d'année dernière. Aux termes de cet accord, Orange prend un certain nombre d'engagements qui dépendent ou qui varient selon les zones et dont certains restent juridiquement opposables et sanctionnables financièrement au titre de cette article L33.13 du Code des Postes et des Communications électroniques. Pour la zone moyennement dense, la zone AMII, Orange s'engage à atteindre fin 2025 un taux de 98,5% de raccordements inconditionnels. Orange s'engage en parallèle d'ici 2024 à rattraper le retard dans les 55 EPCI dans lesquels les taux de raccordements sont les plus en retrait et en particulier ceux dans lesquels les taux de raccordements sont inférieurs à 85%. Et enfin, pour la zone AMII, Orange ouvre un droit au raccordement avec un raccordement à la demande qui permettra à toute personne le souhaitant d'être raccordée à la fibre en moins de 6 mois et ce, jusqu'à la fermeture du cuivre. Des engagements pour la zone AMII, qui, je le disais, restent sanctionnables au titre dans le sens de l'article L33.13 avec un jalon en 2014 et un jalon fin 2024, et un jalon fin 2025.

Pour la zone très dense, Orange s'engage à reprendre les déploiements et atteindre un taux de 96% fin 2025. Nous partons d'un taux de 92%, c'est-à-dire qu'orange s'engage en gros à prendre en charge la moitié du reste à faire. Ce qui signifie que les autres opérateurs - nous avons des discussions avec eux également - devront participer à l'effort, nous amenant à la complétude dans la zone très dense. Orange s'engage par ailleurs à expérimenter le raccordement à la demande en ZTD, le droit au raccordement avant sa généralisation éventuelle. C'est un peu plus complexe dans la zone très dense que dans la zone AMII, mais ça va avancer dans cette direction-là.

Et puis enfin, dans l'ensemble des territoires, Orange prend deux engagements qui sont assez structurants. Le premier, c'est de maintenir les tarifs sociaux sur l'offre téléphone seul même sur support fibre et de maintenir la possibilité de n'avoir qu'un seul abonnement téléphonique. Deuxième engagement structurant pour l'ensemble des zones, c'est la participation d'Orange aux côtés des autres opérateurs à la solution mutualisée, qui va faire un peu de péréquation, chère à l'Avicca, pour le portage des investissements nécessaires aux raccordements complexes. Je pense en particulier à ceux qui vont être indispensables dans les zones rurales.

Alors, à mes yeux, l'ensemble des territoires vont bénéficier de cet accord. Dans les grandes villes, où les déploiements sont à l'arrêt, où les taux de raccordement sont parfois en deçà de 90%, je pense à Marseille, à Lille, à Nantes, à Clermont-Ferrand, à Orléans, c'est la reprise des déploiements avec une nouvelle fois, la moitié du reste à faire entre les mains d'Orange. Et le raccordement à la demande va commencer à y être expérimenté. Pour les zones moyennement denses, les zones intermédiaires, c'est évidemment une perspective, celle de la fin 2025, avec 98,5% de déploiements inconditionnels, et le raccordement à la demande pour nos concitoyens.

Et une dimension qui est très importante, c'est le rattrapage pour les 55 EPCI qui étaient en reprise. Et ça, c'est une nouveauté pour les spécialistes du L33-13 qui sont nombreux dans la salle, puisque nous avons entré dans le L33-13 deux dimensions qui ont été jusqu'à présent complètement absentes. La première, c'est une différenciation géographique, le rattrapage des 55 EPCI en retrait. Et la deuxième, c'est le raccordement à la demande qui n'avait jamais fait l'objet d'engagement de la part des opérateurs jusqu'à présent. Et puis enfin, dans les zones rurales, je crois que l'un des engagements les plus structurants, c'est évidemment la mise en place de cette solution de portage mutualisé des investissements pour les raccordements complexes qui va lever l'un des verrous qui freine, à mon sens aujourd'hui, un certain nombre de développements là où ils sont coûteux et longs à réaliser pour les opérateurs. Pour nos concitoyens, la nouveauté, c'est ce raccordement à la demande qui devient un peu plus concret et qui va changer leurs perspectives et sans doute les rassurer sur la capacité qu'ils auront, c'était l'engagement présidentiel, à avoir, s'ils le souhaitent, accès à la fibre à l'horizon 2025. Voilà les termes de l'accord que nous avons trouvé avec Orange qui a été salué par certaines associations d'élus et qui, même si peut-être il ne satisfera pas tout le monde, permet de remettre la filière sur une trajectoire et de viser ensemble une ambition collective qui est celle de la génération de la fibre en 2025, qui est un objectif en soi.

 

Je finirai par évoquer très brièvement un autre sujet qui nous préoccupe, qu'on évoque très régulièrement avec Patrick Chaize qui est la question de l'étape suivante, la préparation dans nos territoires, dans nos communes, dans nos EPCI, nos départements, nos régions, de la bascule du cuivre vers la fibre. Et la nécessité de donner aux élus qui sont en première ligne, le jour où il faudra aller toquer aux portes des derniers récalcitrants, tous les outils nécessaires pour sensibiliser nos concitoyens, les prévenir, les aider à se préparer à cette bascule qui, pour certains, a déjà été faite et sans difficulté, mais pour certains de nos concitoyens va être en réalité particulièrement compliquée. Pour cela, j'avais déjà eu l'occasion de le dire, nous allons prendre notre rôle en invitant les préfets à continuer à animer les comités locaux, en leur demandant d'être aux côtés des maires, mais aussi au niveau de l'État avec une communication grand public pour ceux de nos concitoyens qui sont déjà à l'aise avec les outils numériques et qui peuvent aller chercher toutes ces informations sur Internet.

Nous avions évoqué la création d'un site qui permet à chacun, concitoyens particuliers, entreprises, collectivités, de se préparer à ce moment de bascule. Ce site est en ligne depuis aujourd'hui. On peut s'y rendre en utilisant l'adresse trèshautdébit.gouv.fr et il constitue un point d'entrée unique pour toutes celles et ceux qui ont besoin, en anticipation des lots 1, des lots 2, et puis ensuite des lots de plus en plus importants de fermeture commerciale et de fermeture technique du cuivre, de se préparer tranquillement et sereinement à cette rupture technologique importante. Nous continuons évidemment avec Patrick Chaize, avec le Conseil d'administration et avec l'Avicca de préparer cette échéance importante pour notre pays, avec à l'esprit les sujets de résilience que j'évoquais dans mon introduction et auxquels je sais que le Président Chaize tient particulièrement et sur lesquels il est particulièrement vigilant.

Il me reste à vous souhaiter un excellent TRIP d'automne, de vous donner déjà rendez-vous pour le TRIP de printemps, et de vous remercier pour votre attention.