Numérique / Territoires

Les associations d’élus constatent que l’État abandonne un « tiens » pour deux « tu l’auras » Mars 2024

 

Confiance mais vigilance face aux nouveaux engagements d’Orange pour le déploiement du FttH

 

En novembre dernier, le Ministre délégué à la transition numérique, Jean-Noël Barrot, présentait les grandes lignes d’un accord en discussion entre Orange et le gouvernement sur la couverture FttH. L’envoi de ce projet à l’Arcep pour avis le 12 janvier dernier aura été l’un des tous derniers actes du ministre délégué à la transition numérique par suite du remaniement. Et c’est à la nouvelle Secrétaire d’État en charge du numérique, Marina Ferrari, qu’est revenue la charge de présenter un accord dont elle n’aura rien pu négocier.

Et le moins que l’on puisse dire est que les interrogations sont nombreuses, entre les annonces de novembre et le texte envoyé à l’Arcep par Jean-Noël Barrot. Une partie des engagements n’en sont quasiment pas puisque non soumis au L33-13. Les autres comportent tant de limitations que l’on se demande comment ils pourront être sanctionnés. Tout ça pour ça ?

 

  • L’abandon du « tiens »

L’accord L33-13 de 2018 prévoyait deux échéances, l’une à fin 2020, l’autre à fin 2022. Des échéances claires : 92% de prises raccordables, puis 100%. Hors refus de tiers, aucune exception à ces taux. Des échéances limpides et non sujettes à interprétation, comment l’a confirmé le Conseil d’État en avril 2023, s’agissant de la première échéance.

Si Orange s’était particulièrement mobilisé pour revenir sur cet engagement de 100% afin d’éviter une nouvelle procédure de sanction, la puissance publique était en droit d’attendre des contreparties conséquentes. Et ce d’autant plus que la sanction de l’Arcep s’est avérée bien plus faible qu’attendue.

Alors que reste-t-il du « tiens » ? Les engagements sur la Zone AMII sont non seulement une nouvelle fois repoussés à 2025 au lieu de 2022 et sont désormais fondés sur un objectif de volume de nouvelles prises, en lieu et place d’un objectif d’un taux de raccordables. Selon l’Arcep[1], cet engagement aboutirait à un taux de couverture de 97% au lieu de 100%. Et ce, hors des nombreuses conditions suspensives imaginées par Orange, conditions absentes du premier accord L33-13.

S’agissant des raccordables à la demande, les associations d’élus approuvent les nombreuses réserves émises par l’Arcep. Elles se montrent prudentes, à la lecture des nombreuses limitations opérationnelles fixées par Orange, quant aux objectifs affichés par Jean-Noël Barrot[2] d’ici 2025.

Quant au rattrapage annoncé – et très attendu par les associations d’élus – de la couverture FttH sur les 55 EPCI les plus mal couverts, force est de constater, comme le fait l’Arcep, que ce rattrapage n’en est pas vraiment un. C’est, au mieux, une remise en route de la machine de déploiement FttH qui s’est arrêtée depuis plusieurs mois. Orange s’est même plutôt engagé à ralentir : 140 000 nouvelles prises pour les 18 mois du nouvel engagement contre 210 000 les 18 mois qui l’ont précédé !

Ceinture, bretelles mais aussi airbag anti-sanctions : il convient encore d’ajouter à ces reculs une limitation dans le temps de l’opposabilité de l’accord, dont la date de péremption est fixée à septembre 2026. Cela signifie qu’en cas de non-respect par Orange de ce qui lui reste d’engagements opposables, il faudrait que l’Arcep puisse contrôler les données transmises par l’opérateur début 2026 et vérifier la validité des nombreuses exceptions dans un délai très (trop) court. Ce que le Gendarme des télécommunications pointe d’ailleurs dans son avis.

 

  • On gagne deux « tu l’auras »

Il résulte de l’accord signé que :

  • les « engagements » annoncés par Jean-Noël Barrot en novembre dernier sur la Zone très dense ne sont en fait pas opposables, donc non sanctionnables. Orange promet par ailleurs de déployer 50% des prises restantes, contre 80% de l’ensemble des prises de la ZTD jusqu’à présent ;
  • la solution de portage mutualisé des investissements pour les raccordements dits « complexes », qui était qualifiée par le Ministre d’engagement parmi « les plus structurants » pour les zones rurales[3] est annoncée depuis fin 2023 par plusieurs opérateurs comme mort-née. Et comme elle n’est pas opposable, Orange ne risque rien si elle ne voit pas le jour.

On peut aussi ajouter le recyclage de la promesse d’Orange de maintenir les tarifs sociaux et la possibilité d’avoir un service téléphonique seul sur la fibre. Déjà promis lors de la mise en place du plan d’action d’Orange pour le renforcement de la boucle locale cuivre à l’été 2021 en contrepartie d’un abandon de poursuite pour non-respect des objectifs réglementaires sur le réseau historique, cette promesse a été réitérée s’agissant cette fois de l’accompagnement par Orange de la fermeture du cuivre. Nous aurions pu espérer que, pour cette troisième fois, cette promesse devienne engagement. Mais non…

 

  • Si Orange ne sera plus sanctionné, les collectivités le sont

Les sanctions prononcées par l’Arcep sont versées au budget de l’État. Plus de sanctions à attendre donc pour le non-respect de l’échéance de 100%. Mais l’État n’a pas oublié pour autant de récupérer de l’argent sur le dos des collectivités. Les annulations par décret de crédits pour le Plan France Très haut débit dans le budget 2024 sont d’ailleurs plus conséquentes que l’amende de 26 millions d’Euros infligée par l’Arcep à Orange. Mayotte est privée de 38 millions d’Euros. Le Fonds Vert qui devait servir, entre autres, à la transition numérique des territoires, est amputé de 50 millions d’Euros. Quant aux collectivités qui, au travers de leur RIP, ont réussi pour beaucoup d’entre elles à faire en zone rurale ce qu’Orange a été incapable de réaliser dans les zones urbaines et rentables de l’AMII 2011, elles se retrouvent privées de 117 millions d’Euros de crédits de paiements.

 

  • Et maintenant, que faire ?

Les associations d’élus saluent l’avis de l’Arcep qui a pointé la plupart des nombreuses réserves de ce nouvel accord. Elles regrettent que les recommandations évidentes faites par l’Autorité dans cet avis n’ait pas conduit l’État à modifier ce nouvel accord. Elles entendent toutefois la volonté affirmée de la nouvelle Secrétaire d’État, Marina Ferrari, de tirer le meilleur parti de cet accord qui lui revient en héritage. Et elles saluent l’engagement clair de la Secrétaire d’État que : « 100% des Français qui demanderont la fibre puissent y avoir accès ». Aussi Marina Ferrari peut-elle être assurée du plein soutien de nos associations pour l’aider à sauver ce qui peut l’être dans la mise en œuvre de cet accord et à pointer tout éventuel écart de trajectoire d’Orange.

 

 

 

 

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[1] Avis n° 2024-0070 de l’Arcep en date du 23 janvier 2024 rendu à la demande du ministre chargé des communications électroniques portant sur la proposition d’engagements d’Orange au titre de l’article L. 33-13

[2] « Pour nos concitoyens, la nouveauté, c'est ce raccordement à la demande […] qui va changer leurs perspectives et sans doute les rassurer sur la capacité qu'ils auront, c'était l'engagement présidentiel, à avoir, s'ils le souhaitent, accès à la fibre à l'horizon 2025 »

[3] « Dans les zones rurales, je crois que l'un des engagements les plus structurants, c'est évidemment la mise en place de cette solution de portage mutualisé des investissements pour les raccordements complexes qui va lever l'un des verrous qui freine, à mon sens aujourd'hui, un certain nombre de développements là où ils sont coûteux et longs à réaliser pour les opérateurs »