Il faut multiplier par dix le financement du Très haut débit pour aménager le territoire Juin 2010
Dans sa contribution à la mission du Sénateur Maurey, l’AVICCA renouvelle l’estimation d’un minimum de dix milliards d’euros pour le montant de subventions publiques nécessaire pour une quasi-généralisation de la fibre optique en dix ans, conformément à la plate-forme des collectivités locales (AMF, ADF, ARF, AVICCA).
Les restrictions budgétaires de l’Etat et des collectivités, ainsi que la diminution de leur autonomie fiscale, impliquent de trouver des sources nouvelles de financement. Aussi l’Avicca propose une taxe sur le secteur des communications électroniques, avec une assiette large. Comme pour la taxe finançant l’audiovisuel public, le montant des dotations aux amortissements des équipements dont la durée est d’au moins dix ans pourrait être déduit par les opérateurs. Ceci permet de ne pas pénaliser les investissements à réaliser dans la fibre optique, mais au contraire de les inciter.
L’étude menée pour la DATAR montrait qu’un autre cadre était possible, en réorientant l’ensemble des revenus de la boucle locale cuivre pour passer à la fibre, ce qui passerait par une séparation structurelle de l’opérateur historique et une remontée du capital public. L’Avicca persiste à demander la mise à l’étude de cette solution.
Dans le cadre actuel, les récentes règles de mutualisation de l’ARCEP auront un impact pour diminuer les coûts entre opérateurs privés sur la zone rentable, mais n’améliorent pas l’économie de la zone non rentable où, au mieux, un seul réseau aurait de toute manière été déployé. Cette zone non rentable couvre au moins la moitié de la population et coûtera environ trente milliards à desservir. Sous réserve, notamment, qu’il y n’y ait pas une forte concurrence entre le réseau cuivre et le réseau fibre, les revenus du nouveau réseau permettraient de couvrir les deux tiers des besoins financiers, le reste devant être subventionné.
Il faudra peut-être ajouter à cela le coût d’éventuelles étapes de "montée en débits", pour ne pas laisser creuser l’écart entre les zones fibrées et celles en attente. Ce coût - qui pourrait atteindre plusieurs milliards d’euros - pourrait être réduit si le dividende numérique est employé d’une manière très volontariste (obligation de desserte dans les zones moins denses à échéance 2015/2016), et si l’ARCEP impute aux opérateurs la partie "réaménagement" de la boucle locale cuivre (armoires, modification des lignes…).
L’essentiel du besoin de financement doit être mobilisé à l’occasion de l’établissement du réseau en fibre optique. Une fois cette étape franchie, il restera des besoins de moindre importance, mais qui ne pourront pas nécessairement être financés sur une base locale :
- suivi de l’urbanisation en l’absence de mécanisme de service universel
- besoins de sécurisation liés à l’utilisation (télémédecine, maintien à domicile, services publics…) poussant à l’enfouissement des lignes aériennes, au bouclage, etc.
Des éventuels surcoûts récurrents d’exploitation, par exemple sur le passage dans les fourreaux de France Télécom, pourraient aussi nécessiter une péréquation qui perdure.
La création d’une taxe sur le secteur des communications électroniques pourrait répondre aux besoins de financements. Le secteur est dynamique, et la part des dépenses afférentes dans le budget des ménages et des entreprises ne cesse d’augmenter. Il serait possible que la taxe figure explicitement sur les factures, pour participer à la nécessaire pédagogie sur ce prélèvement. Il est de l’intérêt commun, y compris pour un habitant dans une zone dense fibrée, de pouvoir communiquer avec un contact en n’importe quel point du territoire.
Une telle taxe aurait pour logique de rétablir une "péréquation dans le temps" sur un secteur qui, du fait de la concurrence par les infrastructures, est organisé pour la "dépéréquation dans l’espace" : chaque opérateur choisit les zones et immeubles où il se déploie.
L’utilisation d’un milliard du grand emprunt permet d’amorcer le Fonds d’Aménagement Numérique du Territoire, ce qui est très positif, mais couvre moins d’un dixième des besoins globaux. L’alimentation pérenne du Fonds est indispensable pour limiter la nouvelle fracture numérique qui commence, celle du très haut débit.
Paris, le 28 juin 2010
Yves ROME
Président de l’AVICCA