5. Actions - Impact du réseau départemental du Tarn Septembre 2005
Thierry CARCENAC, Président du Conseil général du Tarn
Président d'e-Téra
Impact du Réseau départemental du Tarn
Merci d'abord de nous avoir invités à cette rencontre. Je crois qu'il est toujours important de pouvoir échanger. Une expérience et un impact ne se déclinent pas sans essayer de cadrer le pourquoi qui conduit, au niveau d'un département, à se lancer dans cette action dès les années 2000, puisque la libéralisation des télécoms date de 1996. Dès les années 2000, nous avons commencé à réfléchir sur ce sujet ; nous avons créé cette société d'économie mixte et nous en sommes maintenant à cinq ans d'exploitation.
En termes d'aménagement du territoire, le Tarn est un petit département de 360.000 habitants, avec une vieille tradition industrielle tournée sur la transformation des matières premières et le textile. Le textile et la fibre ont peut-être des liens, je n'en sais rien. D'autre part, les laboratoires Fabre, qui comptent près de 2.500 salariés dans le département, représentent une activité très importante. Avant de parler d'attractivité d'un territoire, une collectivité locale doit essayer de maintenir ce qui existe sur ce territoire et de voir de quelle façon elle peut conserver des activités, sachant qu'il y a une plaque métropolitaine, celle de Castres - Mazamet, autour de l'action menée par les collectivités locales, pour essayer de réunir les services publics, mais également les différents établissements de cette même entreprise. Nous nous retrouvons avec une action qui a été conduite prioritairement et initialement par la communauté d'agglomération. Il faut ensuite sortir de cela, parce que l'objectif est d'avoir des hauts débits ou des débits à un coût abordable. Lorsque vous avez résolu quelques solutions au niveau d'un territoire, il faut aller vers les opérateurs, aller plus loin, aller vers des Pop (points de présence des grands opérateurs), et ceux-ci se trouvent à Toulouse. Au niveau de la région du Tarn, il fallait aller sur Toulouse. Le Département du Tarn a donc lancé cette action, sachant que nous sommes, en tant que Département, propriétaires des routes départementales ; c'est un réseau important, qui fait plus de 4.000 km. Au-delà de cela, vous avez la possibilité d'emprunter des voies qui vous conduisent aux centraux, aux NRA, etc. et permettent d'atteindre les services publics qui vous intéressent.
L'objet a été de réaliser cela. Nous avons maintenant, avec cette Sem, près de 600 km de fibre, dont 325 km sur le département. Cinq départements sont concernés, puisque comme vous l'avez vu sur la carte, nous allons en Haute-Garonne récupérer des Pop, mais nous allons aussi le long de l'itinéraire à grand gabarit, puisque nous l'avons fait en liaison avec l'État : nous allons jusqu'à langon et Bordeaux. Sont concernés le Gers, le Tarn-et-Garonne et le Tarn. Cela représente cinquante communes traversées, près de vingt cœurs de villes tarnais, quatre plaques métropolitaines, puisque nous nous sommes interconnectés sur la communauté d'agglomération de Castres - Mazamet, mais également sur Toulouse ; et nous allons ouvrir Albi et Auch. Sur les 368.000 habitants du Tarn, près de 280 000 sont touchés, dont 170.000 peuvent être éligibles à l'ADSL 2 +. Nous pouvons aller jusqu'à 20 Mb/s. Il y a 11 NRA concernés, avec différents opérateurs : Cegetel, Neuf telecom, Free et Completel. Toute la plaque tarnaise est louée au moins par deux opérateurs. Voilà, globalement, la situation.
L'objectif était donc, comme je l'ai indiqué, de nous tourner vers l'économie locale et d'avoir nos zones d'activités reliées. Nous en avons connecté 45. Nous pouvons avoir l'accès avec les différents opérateurs. L'évolution de l'article L.1425-1 nous a permis d'accrocher, de rattraper ou d'amener de la fibre jusqu'à l'entreprise qui souhaitait éventuellement pouvoir être connectée. L'économie locale a été priorisée.
Le second secteur est le grand public, avec le dégroupage. Dans ce cadre, les opérateurs savent faire, et très bien faire.
Le troisième secteur concerne ce que vous avez appelé les services publics, d'abord départementaux. Nous avons 1.000 agents qui sont connectés, sur 6 villes et 20 sites, à 1 Gb/s, avec voix sur IP, etc., ce que l'on trouve habituellement.
En ce qui concerne l'éducation, nous avons un GFU qui part de l'école primaire et qui va à l'université. Tous les collèges sont connectés - cela représente 14 000 collégiens - avec, sur ces établissements, 1 gb/s où il y a la fibre. Nous avons ensuite les universités et l'école des Mines d'Albi-Carmaux, ce qui représente à peu près 2.500 à 3.000 universitaires connectés. 2 lycées et 24 écoles primaires et maternelles sont connectés. Nous avons une convention avec l'État dans le cadre d'une connexion avec Rénater. Nous avons la possibilité d'avoir 155 Mb/s via Rénater. En matière d'offre pour les collégiens, nous n'avons pas fait le choix de donner un ordinateur, comme cela s'est fait, à certains jeunes, mais plutôt d'avoir des connexions avec des données et la possibilité de pouvoir échanger très largement. Voilà, en résumé, l'impact sur le département.
Quelles sont les questions que nous nous posons actuellement, puisqu'il y a quand même des évolutions techniques depuis les années 2000 ? Nous avions expérimenté le satellite en débit descendant. Nous avons du WiFi, bien évidemment. Nous avons expérimenté le WiMax, non pas en tant que technique, encore que l'on pourrait se poser des questions, mais sous l'angle de modèle économique, parce qu'à la sortie, il faut que l'on ait un prix abordable pour la personne qui se connecte. Sur ce plan, nous nous rendons compte que le particulier ne pourra pas forcément accéder au WiMax. En revanche, l'entreprise le pourra. Mais à quel prix ? La question est en train d'être posée sur le modèle économique qu'il nous faut monter pour pouvoir parvenir à cela. Nous avons une expérimentation qui a été prolongée, qui se poursuit jusqu'en janvier 2006. La grande question concerne maintenant l'appel d'offres. Nous avons vécu ce qui s'était passé avec la BLR et les appels d'offres. Je pense que nous aurons, dans la prochaine table ronde, l'occasion de pouvoir reparler de cela avec Michel TESTON.
Il y a les évolutions économiques et financières. Quand nous regardons les opérateurs et leur concentration, il suffit de voir simplement ce qui s'est passé avec l'avis de la Direction générale de la concurrence au mois d'août, notamment sur le rapprochement de Neuf et de Cegetel. Lorsque l'on est opérateur d'opérateurs, il faut examiner ce qui se passe avec les grands opérateurs qui peuvent être intéressés par ce que vous êtes en train de réaliser. Il ne faut pas recréer un duopole, sinon la fibre risque de se raréfier et les coûts risquent de ré-augmenter. Si nous sommes partis sur la concurrence, c'est bien avec un objectif, celui de faire baisser les coûts et d'obtenir un maximum de débit. Il y a une vraie question qui est en train de se poser à cet égard.
Enfin, il y a les évolutions législatives. Je ne sais pas si c'est abouti avec le 1425 mais nous avons bien vu dans le passé qu'il a fallu conduire plusieurs évolutions législatives pour arriver à celle-ci qui nous permet, certes, d'établir et d'exploiter des infrastructures passives et des réseaux actifs. Mais, au-delà, nous voyons bien qu'il y a encore quelques difficultés. Nous nous rendons compte que, quand le marché fonctionne, les collectivités locales ont moins de raisons d'intervenir. Je dis « moins », parce que, et nous l'avons noté avec ce que vient de dire monsieur BERGAMELLI, il y a bien évidemment des raisons d'intervenir dans certains secteurs, ne serait-ce que pour éviter d'avoir des difficultés de passage dans certains quartiers, lorsque vous êtes en zone de population très concentrée. Lorsque vous êtes en zone rurale avec 55 habitants au km2, il faut aussi réfléchir, de manière à ce que la collectivité locale ne se retrouve pas, comme chaque fois, à devoir investir lorsque le marché n'est pas là. Sinon, les inégalités territoriales vont se doubler d'inégalités financières entre les solidarités qui pourraient être nationales et les solidarités qu'il vous faut réaliser au niveau local. Il y a des enjeux à ce niveau.
Enfin, un dernier point, me semble-t-il, est que ce décrochage entre les territoires risque de poser problème. Je suis relativement inquiet sur cette concentration qui est en train de se passer. Je crois que, si un département comme le nôtre s'est soucié d'aller chercher les opérateurs à Toulouse, un peu comme vous le faites, Président LEROY, nous nous préoccupons aussi des GIX car, à la sortie, il faut essayer de considérer la question du coût et du nœud d'échange des flux d'Internet. Ils sont à Paris, il faut aller les chercher là-haut, et nous, nous sommes dans le Tarn : nous sommes en bas. En matière de coût, si l'on veut avoir les coûts les plus bas, relativement, il faut réfléchir à la façon dont on s'organise. Voilà quel est l'impact au niveau du département et les questions que nous sommes amenés à nous poser actuellement.
S'agissant de la Sem, celle-ci a actuellement un chiffre d'affaires d'un peu plus de 2 M€. Au bout de la troisième année de fonctionnement, nous sommes excédentaires, avec près de 200.000 € de résultat après impôt.
Patrick VUITTON, Avicca
Merci pour ces précisions, qui illustrent parfaitement l'ensemble du propos de la journée : lorsque l'on installe un réseau à un moment, c'est certes une action structurante, mais la vie continue : la vie des opérateurs, la vie de services, et il faut donc poursuivre cette action de manière permanente.
Charles CHONE, vous êtes vice-président de la Communauté Urbaine du Grand Nancy. A Nancy, vous avez un GIX. Nous n'allons peut-être pas aborder tout de suite le GIX, mais le bilan global de l'action de la Communauté Urbaine du Grand Nancy sur les réseaux. Vous faites aussi partie des « historiques » - même si c'est une histoire récente - qui permettent de dessiner un bilan de ces premières années de fonctionnement.