Numérique / Territoires

6. Actions - Bilan du Grand Nancy Septembre 2005

Charles CHONE, vice-Président du Grand Nancy

Bilan du réseau Métropolitain du Grand Nancy

et prolongement en fibre jusqu'aux locaux d'activité

(Cette intervention s'appuie sur un diaporama)

Bonjour, Mesdames et Messieurs. Tout le monde sait où est Nancy. Sa Communauté Urbaine, qui aura dix ans d'existence dans quelques mois, est constituée de vingt communes représentant 265.000 habitants. Je suis heureux de me trouver ici aujourd'hui, pour vous expliquer la situation que nous avons connue, qui était difficile au départ. Il ne faut pas oublier que, lorsque nous avons commencé en 1996, l'opérateur historique n'avait pas hésité à déposer un recours devant le Tribunal Administratif. Bien sûr, nous avions alors réagi et saisi la Communauté Européenne. Je souhaiterais avant tout remercier l'Avicca qui a permis que se rassemblent tous ceux qui avaient rencontré des difficultés, avec notamment vous qui êtes à la tribune.

Nous avons pu aboutir avec le soutien, dès le début, de la Datar - j'aperçois Monsieur DUCASS parmi nous -, de l'Arcep et de la Caisse des Dépôts et Consignations. Je voudrais profiter de ma présence ici, pour remercier nos sénateurs, qui ont su défendre le sujet et permettre son aboutissement, grâce à l'adoption des articles L 1511-6 et L 1425-1 du Code Général des Collectivité Territoriales. Ceci a permis enfin aux collectivités locales d'être reconnues responsables aux côtés de l'ensemble des opérateurs. Mais je voudrais quand même, et cela va peut-être surprendre, remercier France Télécom, qui a enfin compris que nous ne sommes pas des adversaires. Nous sommes des partenaires à leurs côtés, et eux-mêmes le sont à nos côtés. Il était essentiel pour nous et c'est ce que nous souhaitions faire dès le départ, de détenir obligatoirement des infrastructures qui devenaient alors la propriété de la collectivité publique, au même titre que les routes ou les canaux. Cela coûterait trop cher d'avoir des redondances auprès des opérateurs. Nous sommes donc partenaires. Nous avons conclu des accords qui s'avèrent fructueux et dont je vous parlerai un peu plus tard.

Nous avons réalisé un réseau haut débit qui nous a permis d'assurer une capillarité sur le territoire et nous en avons trouvé la légitimité à l'intérieur du périmètre de la Communauté Urbaine. Ce réseau était redoublé avec la propriété, que nous avons reprise en Génie Civil, de la Sem Câble de l'Est qui nous a donné la possibilité, au départ, de booster ces opérations et de concevoir l'ensemble de ces opérations (dans le cadre de la restructuration du Plan Câble, la Sem Câble a été vendue et nous avons maintenant une capillarité beaucoup plus forte). Cela signifie que l'accès au très haut débit à des conditions concurrentielles a été présenté pour la première fois en 1996. Mais il fallait analyser la situation :

  • qu'allions-nous faire ?
  • pour qui ?
  • pourquoi ?
  • comment ?

Il est évident que des facteurs de compétitivité étaient en jeu. Au titre de l'aménagement du territoire, c'était l'objet essentiel. Puis nous avions une fracture numérique dans le cadre d'une fracture économique et d'une fracture sociale. Fracture économique, parce qu'à partir du moment où la densité économique n'était pas assez forte, les opérateurs n'investissaient pas. Il y avait donc un vide et il fallait le combler. C'est ce que nous avons fait. Il fallait déterminer quelles étaient les notions d'infrastructures, de réseaux, de services et d'usages. Nous nous sommes lancés dans la fibre noire, ce qui était à l'époque permis pour les collectivités locales. Mais nous avions peut-être déjà été trop loin en mettant de la fibre noire, bien que cela fût indispensable. Il fallait analyser le cadre juridique et, dans le cadre du développement durable, la Charte des antennes, des relais radioélectriques, les sites à desservir (et nous en avons encore) et appliquer une stratégie.

La solution retenue par la Communauté Urbaine du Grand Nancy pour répondre à ces besoins a été d'investir. Nous avons actuellement 340 km de gaine technique, dont 140 km repris sur l'ex-Sem Câble de l'Est. Nous avons également dans ces infrastructures : 290 km de câble et 10.500 km de fibre optique. A ce jour, nous avons des dessertes sur 20 communes, sur 27 zones d'activités et 120 sites sont directement raccordés, dont une partie par la Communauté Urbaine du Grand Nancy qui exploite en régie un GFU pour ses propres services qui dessert 40 sites.

Conditions de mises à disposition actuelles

Nous avons une mise à disposition de fibre noire non activée, louée à des opérateurs dans des conditions tarifaires identiques pour l'ensemble des clients soit 1.050 € de frais d'accès par extrémité de paire de fibres, 5.240 € pour un raccordement des sites situés à moins de 300 m en ligne directe par rapport au point de raccordement et une location de 0,612 € par mètre linéaire.

Utilisateurs actuels

Nous avons créé un réseau en commun avec les Universités qui, à ce moment là, n'avaient pas de débit et ne pouvaient pas supporter le coût qui leur était imposé, l'Etat s'étant retiré du financement du réseau RENATER ainsi que la Région. Plutôt que d'attribuer une subvention directe aux Universités, nous avons parié sur la réalisation de ce réseau. Nous avons donc construit la moitié du réseau pour les Universités et l'autre moitié pour la Communauté Urbaine du Grand Nancy et les zones d'activités. Nous avons déjà plus de 55 sites universitaires. Nous avons en conséquence divisé les prix par 7 et multiplié les débits par 75. Tout ceci sera encore développé, autant en matière de prix qu'en ce qui concerne les débits, puisque les sites universitaires en sont, à l'heure actuelle, à 2,5 Gb/s.

Les autres utilisateurs sont les collectivités territoriales - pour la Communauté Urbaine du Grand Nancy, en GFU -, les entreprises, les organismes de santé, de culture, le Pôle Image, la Médiathèque, etc. Cela ne se compte plus aujourd'hui. Et, bien sûr, les opérateurs : nous avons 9 Télécom, Cégétel, Free Télécom, RMI et la SEM Câble de l'Est.

Bilan

Le bilan est plus que satisfaisant. Lorsque l'on fait une analyse directe des coûts, l'investissement que nous avons dû réaliser concernant le Génie Civil est inscrit dans le budget général, relayé dans un budget annexe et compensé par les redevances des différents utilisateurs, soit : 2,3 m€ amortis sur trente ans et 2,2 m€ pour les fibres, amortis sur quinze ans. En recettes, nous percevons les redevances des clients pour 480.000 € par an, soit un résultat net de 186.000 €, sans compter toutes les rentabilités indirectes telles que, par exemple, les lignes spécialisées que la Communauté Urbaine du Grand Nancy louait à l'opérateur historique : là aussi, les prix ont été divisés par 7. Aujourd'hui, il faut encore ajouter à peu près 300.000 € d'économies que réalise la Communauté Urbaine du Grand Nancy dès lors où nous n'avons plus de lignes spécialisées et où nous passons uniquement par le réseau.

Actuellement, la gestion financière est assurée par la Communauté Urbaine du Grand Nancy en régie directe, mais nous avons comme objectif de créer une délégation de service public, en affermage.

Stratégie

Nous avons un réseau mutualisé, géré par le Grand Nancy, y compris avec l'opérateur historique. Nous avons, en effet, conclu un accord avec France Télécom qui me semble très important. Nous avions des difficultés : dans les zones nouvelles, les ZAC notamment, l'habitude était prise de confier les gaines à l'opérateur historique, comme cela se faisait par le passé, alors que ce sont des gaines qui nous appartenaient. C'est une situation tout à fait anormale aujourd'hui.

Il faut savoir que lorsque les collectivités investissent dans des ZAC, il y a généralement un déficit dans le bilan. Comme par hasard, à partir du moment où l'on transfère à France Télécom, aujourd'hui privatisé, ces gaines qui ont été construites et intégrées dans le bilan de ces ZAC et qui génèrent un déficit, cela devient un détournement de financements publics. Nous avons donc refusé de redonner les gaines à l'opérateur historique et nous sommes parvenus finalement à un accord : France Télécom trouvant que c'était trop onéreux, nous avons donc mutualisé nos gaines et nos coûts et France Télécom a reconnu que depuis le 1er janvier 1997, les gaines qui sont dans les ZAC nous appartiennent. Ainsi France Télécom nous paie une location et nous pouvons utiliser les gaines de France Télécom dans les mêmes conditions de coût et de moyens. Ceci est très important et nous permet de raccorder directement les entreprises en fibre optique jusqu'aux bâtiments voire même jusqu'aux bureaux, et ceci sans passer par le dégroupage. Nous avons, par voie de conséquence, permis ainsi à France Télécom de déporter des NRA, puisque c'est France Télécom qui nous loue des fibres pour le faire. C'est donc une grande avancée. Nous sommes complémentaires, nous travaillons ensemble et ce que nous espérons, c'est de poursuivre cette mission en oeuvrant conjointement pour la construction d'un outil, comme cela a été rappelé par la Caisse des Dépôts et Consignations. Car, ce n'est jamais qu'un outil, au service de nos concitoyens, des entreprises et des foyers domestiques.

Le réseau est un réseau support essentiellement de fibre optique, avec des extensions qui sont organisées via une structure unique. Des extensions qui peuvent bien évidemment se faire avec du sans fil, soit avec le WiMax, soit avec le WiFi et une interconnexion dans le cadre du Sillon des axes départementaux puisque, comme le rappelait le Sénateur LEROY, nous sommes voisins et nous avons des complémentarités.

Il ne faut oublier qu'à partir du moment où nous avons pris le risque de faire le RMT, les grands opérateurs internationaux passaient par Nancy, ce qui nous fait bénéficier de trois Pop pour communiquer directement avec le RMT.

Nous avons également construit un GIX avec les universités. Nous avons déjà abordé ce sujet, mais il est d'une importance capitale. Le GIX existe depuis 4 ans à Nancy, ce qui nous permet d'éviter d'encombrer les flux sur la toile d'araignée et d'être obligés de passer par Paris lorsque l'on converse de chaque côté d'une même rue. C'est une grande avancée qui nous permet d'aller encore beaucoup plus vite et beaucoup plus loin. Nous avons une inter-opérabilité nationale et mondiale et c'est ce que nous cherchons au profit de l'économie numérique.

Nous avons donc accompagné l'accroissement de la demande, créé des capacités suffisantes pour les opérateurs, cette fois sur des réseaux de desserte afin de nous prémunir contre les risques de saturation de la boucle. Il nous faut faire très attention, sans aller jusqu'à dire que la boucle est saturée, nous sentons qu'elle fonctionne mais il nous faut veiller à ce qu'il y ait toujours libre accès. Nous devons aussi donner aux particuliers un accès à tous les fournisseurs de service. Il s'agit d'atteindre le RMT par des liaisons de desserte de fibre optique sur l'ensemble de la Communauté Urbaine du Grand Nancy et d'activer le réseau pour vendre aux opérateurs de la bande passante, ce que nous permet désormais l'article L 1425-1. Nous comptons aller encore beaucoup plus loin, ce qui permettra au RMT d'atteindre une rentabilité technique et opérationnelle plus efficace avec une utilisation beaucoup plus rationnelle.

Mais les collectivités locales sont-elles habilitées à être opérateur, ou du moins, est-ce leur métier ? Je crois qu'il faut être très prudent et surtout avoir des fournisseurs d'accès professionnels à Internet et des opérateurs de service pour le grand public. Comme je vous l'ai précisé précédemment, nous menons actuellement une étude de mise en affermage en ce qui concerne l'ensemble du réseau. La Communauté Urbaine du Grand Nancy entend rester propriétaire de toutes les infrastructures, même dans les zones non encore construite à ce jour, et les confier à un délégataire de service public -le fermier- , celui-ci aurait simplement pour rôle d'activer les fibres que nous installons et d'assurer la commercialisation. Voilà la complémentarité que nous entendons réaliser sur l'ensemble du réseau.

Le schéma synoptique de l'ensemble de la conception sur Nancy montre, dans un premier temps, la boucle que nous avons construite en fibre optique noire. Sur cette grande boucle, nous avons des extensions qui vont directement sur les zones d'activités FTTH, jusqu'aux bâtiments, et même jusqu'aux bureaux. Bien sûr, nous prenons toutes les techniques complémentaires : WiFi, WiMax, pour desservir des zones blanches. Pourquoi ? Peut-on rester dans le cadre de la Communauté Urbaine ? Cela serait vraiment restrictif. Il ne s'agit pas de faire du nombrilisme. Nous avons travaillé dans la légitimité de notre territoire, mais il faut maintenant aller plus loin, pour coordonner, comme l'a indiqué le Sénateur LEROY, toutes nos actions pour aller du Nord au Sud, de l'Est à l'Ouest, profiter des Pop qui existent à l'heure actuelle auprès des câblo-opérateurs internationaux. Il y a une synergie, une complémentarité à redévelopper au bénéfice de tous.

Voilà donc la stratégie de la Communauté Urbaine du Grand Nancy développée depuis dix ans et je crois pouvoir assurer qu'aujoud'hui, l'opération est rentable financièrement en direct mais surtout en indirect, parce que cela a permis aux entreprises d'être plus dynamiques et de se redéployer : cela nous a permis par exemple, d'avoir des centres d'appel qui ont créé 2.000 emplois en l'espace de trois mois. C'est donc une véritable dynamique. N'oublions pas que la Lorraine a souffert terriblement avec la crise de la sidérurgie dans les années 1970. Il incombe donc aux collectivités locales de prendre le relais sur les possibilités qui leur sont offertes. Les infrastructures optiques en étaient une qu'il ne fallait pas laisser passer. Cela nous permet d'avoir maintenant des entreprises qui vont être reliées au 100 Mb/s. Si nous avons divisé les coûts par 7, nous avons encore l'ambition de les réduire encore par 3, c'est-à-dire d'obtenir du 300 Mb/s, de mettre toutes les entreprises à 100 Mb/s, pour un prix de 300 € par mois, l'objectif étant d'aller à 100 € par mois. Ceci nous permettra d'avoir une dynamique au niveau mondial. Parce que nous sommes dans une économie mondiale, ne l'oublions pas. Merci de votre attention.

Patrick VUITTON, Avicca

Dernière intervention de cette table ronde, Etienne Andreux, représente Jacques Poulet, Président du Sipperec, qui ne pouvait malheureusement pas venir.

Le Sipperec a créé un réseau qui était, de mémoire, le premier en délégation de service public. Quel est le bilan de ce délégataire que l'on peut présenter ? Et quelle est la vie de ce réseau, puisque l'on voit que chaque réseau connaît plusieurs étapes ? Où en est-on de celui du Sipperec, qui est le réseau Irisé ?

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