Le câble se resserre Juin 2004
Pour affronter ses concurrents, le secteur du câble poursuit sa concentration, en France comme ailleurs. Affirmation d'opérateurs à l'échelle européenne, désengagement en cours de France Télécom : le processus actuel devrait amener à la constitution de deux pôles principaux, de tailles voisines, ce qui n'exclut pas le maintien d'opérateurs locaux.
Un pôle à dominante francilienne
Un premier pôle se structure au sein de Liberty Media International, avec le rachat de Noos et un rapprochement avec UPC France. Cet opérateur bénéficiera d'une plaque très puissante dans la plus grande zone urbaine, l'Ile-de-France ; en région, par contre, cette addition ne dessine pas beaucoup plus de cohérence, vu la grande dispersion des sites UPC. Il en résultera tout de même des économies d'échelles significatives, et une meilleure capacité de négociation vis-à-vis des chaînes. Economies d'échelles également au niveau technique, avec la place du groupe en Europe : 8 millions d'abonnés à la télévision et 1 million à internet. La Commission européenne a donné son feu vert à l'opération, qui devrait être terminée cet été. Parmi les inconnues, l'avenir de la marque Noos, installée chèrement, et le rythme de rapprochement effectif des produits et sociétés.
Le câble des métropoles régionales
La cession de Noos par Suez a accéléré par contrecoup le rapprochement de NC Numericable et France Télécom, ainsi que sa filiale France Télécom Câble. Ils sont obligés de s'entendre, dans la perspective d'une vente conjointe, notamment pour les réseaux du Plan Câble. La cession devrait également concerner les réseaux appartenant à TdF (Metz, Dunkerque, périphérie de Grenoble, réseaux de zones d'ombres...) qui sont en location gérance chez FTC.
A priori, Canal+ a vocation à rester dans l'ensemble ainsi formé, sans en prendre le leadership, et FT d'en sortir, peut-être en deux temps.
Liberty Media aurait été intéressée au rachat, mais il n'est pas dans l'intérêt de Canal et de FT de voir se constituer un pôle 'câble' aussi puissant. Plusieurs fonds d'investissements sont candidats : Apax France avec Soros Private Equity, Carlyle avec Providence, Altice (qui a racheté Est Vidéocom en Alsace) avec Cinven. D'autres synergies seront possibles : si les autorités de la concurrence allemande donnent leur feu vert, Kabel Deutschland doit regrouper les 17 millions d'abonnés issus de Deutsch Telekom, constituant ainsi le n°1 européen du câble. Apax Partners et Providence sont présents dans KD.
Le deuxième ensemble français ainsi formé s'appuierait sur les métropoles régionales, avec de fortes cohérences dans le Nord, le grand Ouest, le Sud Est.
Les deux grands opérateurs ainsi probablement constitués auront un poids voisin (plus de 1.600.000 abonnés chacun), représentant ensemble 90 % du câble en France.
Un nouveau départ
Au total la situation économique sera assainie : les opérateurs en place étaient déjà proches d'un équilibre d'exploitation, hors amortissements ; le rachat, à un prix correspondant à la rentabilité prévisionnelle, permet d'effacer en partie l'endettement.
Il semble cependant peu probable qu'on assiste à une reprise immédiate et massive de la construction de prises, car les financements vont être consacrés en priorité aux coûts des rapprochements et à l'amélioration des offres sur les trois services, télévision, internet et téléphonie (VoIP) , objets d'une vive concurrence avec l'Adsl. Certains pourraient aussi être tentés de sortir des frontières de leurs réseaux câblés pour offrir leurs services sur d'autres réseaux ; en Grande Bretagne, c'est la stratégie du premier câblo-opérateur, NTL.
Enfin, il ne faut pas oublier les opérateurs locaux, soit privés comme Altice en Alsace ou France CitéVision, qui vient d'ouvrir le réseau d'Amiens, voire des exploitants d'antennes communautaires, soit des régies et SEM qui développent leurs services, notamment l'accès à internet. La nouvelle réglementation (L.1425-1 du CGCT) permet aux collectivités, donc à leurs SEM et à leurs régies, sur tous les réseaux câblés établis à ce jour, d'offrir tous les services de télécommunications, sans constat d'insuffisance d'initiatives privées.