Grand emprunt : une priorité pour fibrer les zones rentables Novembre 2009
Faut-il d'abord pousser les opérateurs à construire des réseaux mutualisés en fibre optique dans les zones rentables, ou bien aider les collectivités sur des projets faisant de la péréquation entre zones plus ou moins rentables ?
Les rédacteurs du rapport sur le grand emprunt ont privilégié le premier axe en prévoyant d'affecter deux milliards d'euros au très haut débit (action 16), et en indiquant qu'il s'agirait "au moins pour moitié, d'investissements en fonds propres, d'avances remboursables ou de garanties de prêts", et "pour le reste", "de subventions et de bonification de prêts".
Il ne s'agit pas simplement d'un léger plus accordé à l'investissement en zone rentable, car le poids de ces deux zones est sans commune mesure. On peut estimer que le fibrage de la partie rentable (sous réserve de mutualisation) représente un montant de l'ordre de 4 milliards d'euros ; celui de la zone non rentable nécessite environ 30 milliards, dont 10 de pures subventions (le reste de l'investissement se rentabilisant).
Autrement dit, l'investissement public national envisagé est très significatif dans les zones rentables, et marginal dans les autres. Ceci est assez conforme avec les orientations du grand emprunt. Il est ainsi précisé que le retour sur investissement sera "à rechercher systématiquement".
Cette orientation est conforme également avec ce qui filtre du dispositif national pour le très haut débit : commencer en lançant des appels à projets de réseaux en monopole sur les zones rentables, auprès des opérateurs privés, accompagnés par l'Etat (apports en capital, bonifications d'intérêts ou garanties d'emprunts, labellisation pour aider à entrer dans les immeubles). Il n'est plus question de grand consortium, mais de simples obligations de proposer un co-investissement aux autres opérateurs.
Avec "le reste", du grand emprunt, au mieux un milliard d'euros, il sera possible d'aider des collectivités qui se lancent dans des projets. Cette somme, non négligeable malgré tout, permet d'amorcer le fonds d'aménagement numérique en cours de discussion au Parlement. A noter cependant que le rapport préconise que le fonds soit géré par une Agence du numérique ; celle-là même qui devait voir le jour au 1er janvier 2009 dans le Plan France Numérique 2012 ? La proposition de loi évoque quand à elle un fonds géré par les acteurs (Etat, collectivités, opérateurs) et la Caisse des Dépôts.
Autre question, comment seront conciliées la recherche "systématique" de retour sur investissement et la "subvention" aux projets des collectivités ? Pour les collectivités, l'investissement dans les réseaux a une certaine pérennité, voire une rentabilité à très long terme, puisqu'elles sont maîtres d'ouvrages et qu'il s'agit de biens de retour. L'Etat voudra-t-il modifier ce modèle pour ses investissements ? Pourquoi pas après tout, si cela lui permet de continuer à faire une péréquation territoriale.
A travers ces mesures l'Etat joue un rôle paradoxal : il favorise l'écrémage des zones rentables. A contrario, le réseau d'initiative publique des Hauts de Seine dégageait 25 millions d'euros des zones rentables pour limiter la subvention à 59 millions d'euros pour couvrir la totalité du département. Un écrémage avec l'appui de l'Etat devrait avoir un corollaire : taxer les opérateurs pour financer la généralisation du très haut débit. Une péréquation dans le temps pour une péréquation dans l'espace.