Numérique / Territoires

Avenir de la TNT : MPEG4, DVBT-2 et... la TMP ? Septembre 2011

Le rapport que vient de remettre le Président du CSA au Premier ministre trace les grandes lignes des évolutions que pourrait connaître la TNT dans les prochaines années. Les décisions sont aux mains du gouvernement, mais sans attendre, Canal+ a déjà essayé de les contourner en prenant pied dans les chaînes en clair.

Discrètement, le rapport met tout d'abord fin aux divagations sur la possibilité de diffuser 11 multiplex en France, pour revenir au nombre plus raisonnable techniquement de 8. Dans le chapitre "Permettre à tous les Français de recevoir les nouveaux services de télévision", le plan "France numérique 2012", dans son "action 20", n'avait pas hésité à afficher un objectif irréaliste en termes de planification des fréquences : "Il s’agira de doter la France d’un objectif à la fin de l’année 2011 de 13 multiplex : 11 pour la télévision numérique terrestre (en simple ou haute définition) avec une couverture à 95% de la population et 2 pour la TMP avec une couverture à 70% de la population."

Et de ce "réalisme", sur un plafond de 8 multiplex nationaux, découlent deux impératifs pour le président du CSA : afin de généraliser la haute définition aux chaînes existantes, il faudra à la fois changer la norme de compression (du MPEG2 pour les chaînes actuelles en simple définition au MPEG4) et la norme de diffusion (du DVBT au DVBT-2). Il est nécessaire en effet de gagner sur ces deux tableaux pour dégager des capacités suffisantes afin de satisfaire toutes les chaînes. L'utilisation de la 3D en hertzien est écartée au prétexte de son insuffisante maturité (côté production et téléviseurs), mais du fait des limites de la TNT : généraliser le HD est difficile, généraliser la 3D sera impossible, même à moyen terme.

C'est l'introduction du DVBT-2 qui soulève le plus de réactions, car un délai de quinze à dix-huit mois, après une décision d'adoption de cette norme, est nécessaire pour que les équipements (coffrets et prise en compte dans les téléviseurs) soient disponibles... et de plusieurs années pour qu'ils soient massivement distribués. De plus, le téléspectateur de base qui vient à peine de s'équiper en numérique, pourrait avoir le tournis en apprenant que son équipement est déjà obsolète.

Pourtant, le Président du CSA suggère que les deux prochains multiplex utilisent cette norme. Objectif annoncé : favoriser la nécessaire transition en incitant à l'équipement par une offre de nouvelles chaînes conséquente. Conséquence induite : gel des projets des "chaînes compensatoires" pour TF1, M6 et Canal+, mais aussi pour d'éventuels nouveaux entrants. A moins que la conséquence ne soit l'objectif.

Le Président du CSA ne voit pas d'un bon oeil Canal+ débarquer dans le gratuit : "Quant à la présence éventuelle sur le secteur gratuit d’un groupe bénéficiant d’une position importante sur le secteur payant, elle susciterait des interrogations au regard des règles de la concurrence : on ne pourrait a priori exclure que le fait d’être acheteur des droits pour la diffusion cryptée d’un film ou d’une œuvre audiovisuelle confère un avantage compétitif décisif quant à la négociation des droits pour la diffusion en clair." Le rapport a été remis vendredi au Premier ministre, jour où Canal+ a dévloilé son achat des chaînes de Bolloré. Hasard du calendrier ?

Les "chaînes compensatoires", ou "bonus" avaient été octroyées en compensation du raccourcissement de la durée des autorisations d'émettre en analogique. Une disposition législative très contestée, notamment du fait que ces mêmes autorisations avaient été prorogées de cinq ans auparavant, sans nouvel appel à candidatures et sans contrepartie financière ! La Commission européenne pourrait bien, très prochainement, faire en sorte que cette compensation soit abrogée.

TF1 et M6 semblaient résignés à l'abandon du canal compensatoire depuis que Canal+ avait annoncé vouloir s'en servir pour une chaîne en clair, qui serait venu sur leur terrain. Vivendi a pris les devants pour contourner cette éventuelle disparition de perspective, ou la barrière que constituerait un changement de norme, en prenant une participation majoritaire dans Direct Star et Direct 8. Ce sont donc surtout les survivants de l'ouverture de la TNT (NRJ pour NRJ 12 et NextRadioTV pour BFM tv) qui se sentiraient très à l'étroit s'ils ne pouvaient créer d'autres chaînes.

Curieusement, le rapport n'évoque à aucun moment le sort des deux multiplex prévus pour la TMP. Les canaux sont attribués sur le premier multiplex, mais les acteurs du déploiement se sont de fait désengagés. Faudra-t-il tout reprendre à zéro ou utiliser ces canaux pour une diffusion classique ? Cette question n'est pas du tout abordée. Pourtant, deux multiplex supplémentaires, même s'ils n'atteignent que 70% de la population, cela ne permettrait-il pas de reculer la nécessité d'adopter le DVBT-2 ?