Numérique / Territoires

L'Europe en marche sur une jambe vers le Très haut débit ? Juin 2010

Le Très haut débit fait partie de la stratégie "pour une croissance intelligente, durable et inclusive", baptisée "Europe 2020". Le volet "stratégie numérique pour l'Europe" est l'une des 7 "initiatives phares" qui doivent engager à la fois l'Union et les Etats membres.

Au niveau quantitatif, l'objectif fixé est clair, il s'agit de permettre "l’accès à l’Internet haut débit pour tous en 2013, l’accès à l’Internet à des débits beaucoup plus élevés (30 Mbps ou davantage) pour tous en 2020, et à 50 % ou davantage de ménages européens de souscrire à des connexions Internet à plus de 100 Mbps."

Les moyens pour y parvenir semblent reposer avant tout sur l'initiative privée :

  • "un marché numérique unique basé sur l’Internet à haut et très haut débit et des applications interopérables" ;
  • "un cadre juridique stable pour stimuler les investissements dans une infrastructure Internet à haut débit ouverte et compétitive ainsi que dans les services connexes" ;
  • "une politique efficace du spectre" (ce qui signifie un allégement des contraintes des licences pour fluidifier le marché des licences) ;
  • les Etats membres devront "concentrer les financements publics, y compris les fonds structurels, dans les zones qui ne sont pas totalement couvertes par les investissements privés".

Justement, à propos de ces financements publics il est question de "faciliter l’utilisation des fonds structurels de l’UE pour la mise en œuvre de cette stratégie". Cela ne dit pas combien d'argent sera mis sur la table... L'Europe marche surtout sur une jambe, l'initiative privée, pour cette évolution vers le Très haut débit. Au moins on peut espérer que les fonds européens pourront permettre d'abonder les projets orientés Très haut débit pour les particuliers, ce qui n'était pas le cas jusqu'ici.

Est-il vraisemblable que le secteur privé investisse massivement pour couvrir la moitié de la population européenne en fibre jusqu'à l'abonné en dix ans, pour concrétiser cette "initiative phare" ? Avec le poids encore très important des opérateurs historiques, qui ne veulent pas dévaloriser trop vite leurs réseaux, la compétition faible du câble dans de nombreux pays, et la difficulté de trouver des capitaux patients de long terme, on peut légitimement en douter. On peut aussi relever que la moitié de la population européenne ne sera pas couverte en 2020 : elle aura donc plus de dix ans de retard sur un pays comme le Japon.

L'initiative publique, elle, continue de subir des attaques : France Télécom conteste l'avis favorable donné par la Commission européenne, au projet Très haut débit des Hauts-de-Seine, à Luxembourg... Au delà du cas d'espèce, il s'agit d'un signal donné aux grandes villes françaises : se lancer dans la fibre optique pourrait être aussi un marathon judiciaire. Pas de quoi décourager un élu qui mesure l'importance du dossier, mais cela peut toujours en refroidir certains. Autant de temps de gagné pour poursuivre l'écrémage.