Numérique / Territoires

FTTH : une approche par la régulation asymétrique qui enterrerait la concurrence par les infrastructures Octobre 2011

La Commission européenne a lancé une consultation publique sur les méthodes de coût relatives aux tarifs de gros sur les réseaux de communications électroniques. Un sujet qui peut sembler très technique, mais qui pourrait impacter fortement la transition du cuivre vers la fibre.

Les régulateurs nationaux appliquent différentes méthodes pour calculer le coût d'accès aux réseaux cuivres des anciens monopoles. Il est possible de tenir compte, par exemple, des chroniques de coûts réels, historiques, ou bien de les lisser pour éviter des a-coups, ou encore de se baser sur le coût qu'aurait un "opérateur efficace" s'il devait construire ce réseau aujourd'hui. Ces méthodes donnent des résultats différents, dont les résultats s'écartent aussi de la comptabilité interne de ces opérateurs historiques, qui appliquent leur propre vision comptable (amortissements notamment).

La Commission souhaite rapprocher les méthodes des différentes autorités de régulation nationales, mais aussi voir quelle approche permettrait de mieux atteindre les objectifs européens de passage au très haut débit.

Les termes du débat sont multiples, et les arguments, comme toujours, en partie biaisés par les intérêts propres des différents acteurs.

Les opérateurs alternatifs soutiennent qu'il faut baisser le prix de la boucle locale cuivre, à la fois pour inciter les opérateurs historiques à ne pas compter sur sa rente, et pour que les alternatifs dégagent de meilleures marges afin d'investir dans les nouveaux réseaux.

Les opérateurs historiques soutiennent au contraire qu'un prix élevé du réseau cuivre permet de construire des réseaux fibre qui se rémunéreront à la même hauteur.

En réalité, les alternatifs pourraient se contenter d'améliorer leur marge en cas de baisse des coûts du cuivre, sans nécessairement investir dans la boucle locale, et les historiques veulent garder leurs marges confortables. Et rien ne bouge.

Une des approches, évoquée dans la consultation, consiste à lier les méthodes de coût de la boucle locale cuivre et de la fibre pour les opérateurs historiques. Un donnant-donnant : si, et seulement si, vous passez à la fibre grâce aux marges sur le cuivre, la régulation ne vous baisse pas le tarif du cuivre.

Cette approche est basée sur une régulation complètement asymétrique. Elle tire un trait sur la concurrence par les infrastructures, censée pousser chacun des acteurs à investir. Au bout du compte les opérateurs puissants le resteraient, donc continueraient à être régulés, pour que les alternatifs puissent utiliser les nouveaux réseaux. Une telle approche permettrait également d'organiser l'extinction du cuivre, puisque les deux réseaux ne seraient plus en concurrence là où les opérateurs historiques investiraient.

Quelle serait la place des collectivités dans ce schéma, qui n'est, pour le moment, qu'un hypothèse ? Si cette mécanique était adoptée, et si l'opérateur historique privatisé se mettait en mouvement, il garderait néanmoins une très grande latitude sur leurs priorités d'investissements, qui, faut-il le rappeler, ne sont pas des priorités d'aménagement. Le changement serait profond, mais il n'y aurait pas non plus de baguette magique pour les territoires...

Le Président de l'ARCEP n'exclut pas un retour à une régulation asymétrique, avec une évaluation fin 2012 du dispositif actuel. Mais il indique aussi qu'une "modification prématurée" du cadre actuel "aurait pour premier effet de placer les opérateurs, publics comme privés, dans une situation d'attentisme et repousserait le déploiement." Ce serait en effet dommage de casser la magnifique dynamique à l'oeuvre actuellement...