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Zone AMII : version originale de 2011 et remake de 2018 sont des échecs Mars 2021

Avec près d’un quart de prises manquantes à l’appel (à manifestation d’intérêt d’investissements) à l’échéance de 2020 par rapport aux « engagements » des opérateurs, le moins qu’on puisse dire, c’est que les promesses de 2011 n’ont pas été tenues. Les « engagements » de 2018, censés être contraignants tout en accordant un délai supplémentaire, non plus.

Pourtant, les bons chiffres actuels, prouvent que cela aurait été possible, si le démarrage n’avait pas été aussi lent. Il faut dire que les réponses à l’AMII avaient essentiellement pour but de limiter la zone d’initiative publique. A l’époque, des Départements avaient réussi à fédérer les collectivités de toutes tailles pour assurer une péréquation locale, à la grande inquiétude des opérateurs privés.

Les opérateurs ont déployé autant de prises au dernier trimestre que sur les quatre premières années de la zone AMII. Mieux encore, sur l'année 2020, ce ne sont pas moins de 3,35 millions de prises FttH qui ont été déployées par les opérateurs privés. C'est autant que l'ensemble des déploiements en zone AMII de 2011... à mi-2017 ! C'est une preuve de l'extraordinaire accélération des déploiements en zone AMII. C'en est une également qu'il ne s'est pratiquement rien passé entre 2011 et 2017 sur cette même zone...

Orange a ainsi déployé en zone AMII autant de prises en 2020 que SFR depuis 2011, en augmentant sa capacité de production de prises de près de 600 000 par rapport à 2019. Sans forcer l'allure, Orange pourrait achever ses déploiements en zone AMII avec une année de retard. Quant à SFR, si le rythme de déploiement en 2020 a conservé un niveau élevé, il a néanmoins ralenti. On regrette d'autant les 153 000 prises construites en moins par rapport à 2019. C'est en effet peu ou prou ce qu'il a manqué à l'opérateur au carré rouge pour respecter ses "engagements" de déploiements FttH à la même date. SFR est néanmoins bien plus proche de ses objectifs qu'Orange et pourrait même les atteindre sans trop de difficultés mi-2021.

Le résultat de cette forte accélération fait que nous enregistrons ENFIN, à l'issue de cette année 2020, les toutes premières zones AMII départementales quasiment achevées : la Mayenne, avec 98% de la zone AMII achevée, le Loiret et l'Essonne, avec 96% de complétude. Quatre autres zones AMII départementales devraient aussi très prochainement arriver à de tels niveaux de complétude.

 

Mais il convient de rapporter ces chiffres à ce qu'ils auraient dû être à fin 2020, d'une part au regard de l'AMII de 2011, d'autre part au regard des engagements L33-13.

En 2011, nous avons eu droit à un docu-fiction. La réponse à l'appel à manifestation d'intention d'investissement (AMII) ressemblait à un jeu d'acteurs très surfait. Les uns, superhéros, déclamaient qu'on allait voir ce que l'on allait voir et que tous les déploiements seraient achevés en 2020. Les autres, dans le rôle du candide étatique, répondaient "Ah bon vraiment ? ça alors, c'est incroyable, mais je vous crois quand même". Seules les critiques des collectivités avaient à l'époque empêché de décerner un César à ce film auto-produit. Et puis le temps est passé. Après quelques répétitions isolées de ci, de là, le tournage a vraiment démarré en 2017. Malgré une logistique très imposante et plutôt efficace, les scénaristes se sont rendus compte que l'histoire n'était vraiment plus crédible. Les protagonistes de 2011 se sont donc remis autour de la table pour réécrire le scénario. Ils ont vite trouvé un nouveau pitch : "on dit que cette fois, ce sont des engagements et plus des intentions. On ajoute 2 ans de délais supplémentaires au passage. On colle une référence à la loi, ça fait plus sérieux, et le tout passera crème !". Le nouveau scénario de 2018, avec en guest star les "engagements L 33-13", visait 92% de raccordables et 8% de raccordables à la demande à fin 2020, et 100% à fin 2022 pour Orange et toujours 92% de raccordables et 8% de raccordables à la demande côté SFR.

Les « engagements contraignants » de 92% + 8% sont d’autant moins tenus que, sans offre de détail à ce jour, les raccordables à la demande restent de fait toujours non raccordables. Orange a d'ores et déjà indiqué son souhait que des technologies alternatives puissent être employées pour pouvoir décommissionner le cuivre sans avoir nécessairement à construire la fibre. Pour cet opérateur comme pour SFR, ce sont les prises les plus chères qui restent à fibrer, ce qui entretient le doute. Reste donc entièrement à voir si une nouvelle histoire sera racontée ou si une « happy end » viendra conclure cette saga fin 2022.