Numérique / Territoires

TV locale : une loi détricotée par un décret ? Mars 2005

La loi du 9 juillet 2004 a prévu qu'un distributeur de service, utilisant un réseau autre que le satellite ou le hertzien terrestre, mette à disposition de ses abonnés les télévisions d'initiative publique locale destinées aux informations sur la vie locale.

Le régime précédant la retranscription des directives européennes était celui d'une double autorisation : celle d'installer le réseau, par la collectivité, et celle de l'exploiter, par le CSA. A l'occasion de ces autorisations, collectivités et CSA demandaient de réserver un canal pour la télévision locale et en fixaient les conditions. Ce régime d'autorisations est aujourd'hui supprimé. Mais conformément aux directives européennes, il est possible d'imposer des obligations par la législation, dans le cas de services d'intérêt général.

La loi précise que ‘les limites et conditions de cette obligation' seront déterminées par décret. Le projet de décret est actuellement soumis à consultation par la Direction du Développement des Médias.

Dans sa rédaction actuelle, le projet vide la loi de sa substance et fait peser de graves risques sur la diffusion des chaînes existantes :

  • il crée des exceptions considérables (réseaux de moins de 100 logements, réseaux de distribution de télévision internes à un immeuble collectif, à une copropriété ou à un ensemble locatif) ;
  • il est silencieux sur une double diffusion en analogique et numérique, indispensable au moment où les réseaux se numérisent ;
  • il instaure une ambiguïté sur le service d'antenne dans les immeubles collectifs gérés par les câblo-opérateurs, qui représente 1/3 des raccordés, avec en particulier le secteur de l'habitat social.

Les enjeux sont pourtant considérables. Les missions de service public des chaînes locales concernent la citoyenneté, le lien social, la culture, la vie sportive et économique, la constitution d'un secteur d'activité et d'une mémoire audiovisuelle. Or ces chaînes n'ont jamais pu obtenir de bons réseaux de diffusion, car les chaînes nationales ont été privilégiées. Pourtant, là où elles peuvent être captées, elles rencontrent une très forte audience, en intéressant 80% du public.

Il est donc indispensable que le décret donne à ces chaînes locales de Service public toute la place qu'elles méritent sur les réseaux : reprise obligatoire sur le service d'antenne, double diffusion en analogique et numérique, exceptions limitées aux cas où il n'est pas possible de capter le signal dans des conditions économiques acceptables.

Paris, le 2 mars 2005

Martial GABILLARD

Président