Trois conditions pour généraliser le Très haut débit en dix ans Septembre 2012
Lors de son intervention au colloque Ruralitic, jeudi 13 septembre 2012, Yves Rome, Président de l'AVICCA, a rappelé trois conditions pour atteindre l'objectif d'une généralisation du Très haut débit en dix ans : l'investissement des collectivités, l'investissement des opérateurs, l'investissement de l'Etat.
Il a rappelé à cette occasion que la mise en place d'une Contribution au service public des communications électroniques ne représenterait qu'une moyenne d'un euro par mois sur la facture du mobile. Elle permettrait d'organiser la péréquation entre les territoires, afin d'assurer le Très haut débit pour tous, mais aussi de compléter la couverture mobile.
Il a demandé aux élus de soutenir les deux Ministres, en charge du numérique, et en charge de l'égalité des territoires, pour obtenir les financements nécessaires.
Texte de l'intervention :
Mesdames, Messieurs,
La table ronde précédente a très bien illustré les attentes des collectivités, à travers l’exemple du Massif Central, territoire magnifique, que l’on redécouvre toujours avec autant de plaisir, mais dont l’aménagement n’est pas toujours simple !
La Nouvelle-Zélande nous rappelle, une fois de plus, que le modèle français n’est pas le seul possible.
D’ailleurs, le mot « modèle » est-il pertinent s’agissant du Programme national Très haut débit, qui nous met à la remorque des opérateurs privés pour l’aménagement de nos territoires ?
Selon les derniers chiffres de l’ARCEP, si l’on garde le rythme actuel, il faudrait 60 ans pour basculer au Très haut débit !
Mais comme je ne tiens pas à ce que l’édition 2072 de Ruralitic confirme ce pronostic en célébrant la pose de la dernière prise optique en milieu rural, je voudrais insister sur trois conditions à réunir pour tenir l’objectif fixé par le nouveau Président de la République, à savoir dix ans pour généraliser le Très haut débit. Je précise que nous avons aussi besoin du Très haut débit mobile, mais je sais que Yves Krattinger en parlera dans un instant.
Les trois conditions à réunir sont les suivantes : l’investissement, l’investissement et l’investissement.
1. L’investissement des collectivités, en premier lieu, et ce dans un contexte difficile. Mais si nous n’y croyons pas, si nous n’érigeons pas le Très haut débit pour tous en priorité, si nous ne mobilisons pas l’ensemble des collectivités, communes, départements, régions, avec si possible l’appui des syndicats d’énergie, nous n’y arriverons pas.
2. L’investissement des opérateurs, évidemment. A eux de voir s’ils préfèrent co-investir, pour devenir quasi copropriétaires du réseau, ou bien en être de simples locataires, comme aujourd’hui sur la boucle cuivre de France Telecom. A eux de le dire clairement aujourd’hui afin que l’on sache où on ira demain et avec quels pertenaires.
Bouygues Telecom vient ainsi d’annoncer vouloir utiliser les offres activées des réseaux d’initiative publique. Des contrats cadres pourraient être passés avec les opérateurs, avec l’appui de l’Etat, afin qu’en plus de la partie à subventionner, nous ne prenions pas, comme aujourd’hui, un risque financier important sur la partie « rentable », soit tout de même 500 euros par prise.
3. L’investissement de l’Etat, enfin, qui doit jouer son rôle de péréquation. Il serait injuste et inacceptable que les opérateurs se partagent les zones rentables et laissent aux collectivités les zones les plus difficiles à couvrir. Une péréquation nationale doit être organisée pour compenser les inégalités territoriales.
Je pourrais ajouter une quatrième condition, au niveau de l’Europe, que vous devinez sans doute ! Il s’agit là encore d’investissement. Davantage de régions éligibles au FEDER, des aides européennes, des mécanismes de financement pour les emprunts sont nécessaires. Les débats sont en cours, les arbitrages seront longs, mais c’est maintenant, dans les semaines qui viennent, que nous devons intervenir au niveau national pour infléchir les décisions qui seront prises à Bruxelles.
Je ne sous-estime pas la difficulté qu’il y a pour chacun à réunir le financement de ces investissements. Mais il ne s’agit pas d’un puits sans fond. Toutes les études récentes ont montré qu’investir dans les réseaux de communications électroniques était porteur de développement et d’activité, avec des retombées positives en termes d’emplois et de fiscalité pour la puissance publique, de services et de revenus pour les opérateurs.
N’oublions pas d’ailleurs que les télécoms en France, c’est plus de 40 milliards de chiffre d’affaires par an. Comme le dit très justement le Président de l’ARCEP, il n’y a pas de « mur d’investissement ». Il faut organiser les flux pour financer cette transition, les mutualiser.
De nombreux mécanismes sont possibles pour cela. Il suffit d’un euro sur chaque abonnement mensuel, en moyenne, soit 4% de la facture actuelle, pour construire le réseau du XXIe siècle. Qui peut penser que c’est trop, que c’est impossible ? L’arrivée d’un quatrième opérateur mobile fait baisser les factures de plusieurs euros. Il devait donc y avoir de la marge ! Comme pour l’électricité, nous devrions instaurer une contribution au service public des communications électroniques, et pas seulement pour le Très haut débit, pour pallier les carences de déploiement du mobile aussi.
Pour réussir cette mutation, pour généraliser la fibre optique, il faut réunir d’autres conditions, comme la publication de spécifications techniques pour la construction et l’exploitation, la mise en place d’offres activées communes aux réseaux d’initiative publique, un mécanisme d’extinction du cuivre et bien d’autres, dont on ne peut faire le tour en six minutes.
Mais dans la période actuelle, où les choix sont difficiles, j’invite tous les élus ici présents à écrire sans tarder à nos deux ministres, Fleur Pellerin, chargée du numérique, Cécile Duflot, chargée de l’égalité des territoires. Il est impératif de dégager une ressource spécifique et pérenne, pour accompagner rapidement et jusqu’au bout les collectivités sur ce chantier d’avenir. Aidons-les à convaincre le Premier ministre, dans les arbitrages complexes et parfois douloureux, que ce dossier est prioritaire parce que porteur de croissance économique et d’emplois sur le long terme.
Dans un contexte de crise, montrer que l’avenir se construit, malgré tout, sur des objectifs ambitieux, et pour tous, c’est indispensable. Puisque nous sommes ici à Ruralitic, si, comme moi, vous y croyez, dites-le à Fleur Pellerin tout à l’heure, et pour Cécile Duflot, qui n’a pas pu venir à cause du projet de loi sur le logement, je ne dirai pas « à vos plumes », mais à vos mails, à vos twitts, à vos réseaux sociaux, à tous vos moyens de communication électronique pour relayer ce message : un euro pour passer tous au Très haut débit !
Aurillac, le 13 septembre 2012
Yves ROME
Président de l’AVICCA