TRIP de printemps 2025 - Discours d'ouverture de Patrick CHAIZE, Président de l'Avicca Mai 2025
"Seul le prononcé fait foi"
Mesdames, Messieurs les parlementaires, chers collègues,
Mesdames et Messieurs les élu(e)s des collectivités membres de l’Avicca,
Madame la Présidente de l’Arcep, chère Laure
Madame la Présidente d’InfraNum, chère Ilham
Mesdames et messieurs les responsables d’entreprises, opérateurs et partenaires,
Mesdames et Messieurs,
Après les trois coups, le rideau se lève, le décor apparait et les personnages font leur entrée. Pour nous, la production est rodée. Le décor est minimaliste.
Les acteurs sont déjà connus et leur jeu évolue peu de saison en saison, chacun restant dans son rôle.
Mais si le spectacle tient l’affiche depuis plus de quinze ans, c’est bien qu’il a son utilité.
En tant que Président de l’Avicca, je veillerai à ce que les scènes de notre comédie parfois dramatique s’enchaînent au bon rythme.
Permettez-moi par ce prologue, de bien situer l’action.
Sur le mobile, d’abord.
Le comité de suivi du 25 avril dernier au ministère des Finances à Bercy nous a permis de rappeler nos alertes sur la fermeture 2G/3G et les conséquences prévisibles pour les habitants, les collectivités et les entreprises.
Nous regrettons aussi certains retours en arrière du gouvernement sur le projet de loi simplification amendé, avec les risques de génération de nouvelles zones blanches liées à l’absence de sécurisation des baux des sites mobiles.
Je garde cependant espoir que nous trouvions un compromis lors des débats parlementaires à venir.
D’ailleurs, le gouvernement nous a déjà parfaitement entendu s’agissant des déploiements mobiles en zone littorale, ce dont nous lui sommes sincèrement reconnaissants.
Ne croyez pas que cette tirade soit un monologue, puisque je relaie et partage la position de l’Association des maires de France, sur ces points, y compris le sujet du Dossier d’information du maire (DIM).
En outre, nous attendons tous le bilan de l’ANCT sur le dispositif de couverture ciblée et les besoins restant à couvrir dans le cadre du New Deal mobile.
Une réunion est annoncée avec le cabinet du ministre Marc Ferracci, c’est une bonne chose. Nous voulons en effet pouvoir échanger sur son contenu, et pas seulement sur sa diffusion.
Sur le fixe, le point d’orgue revient à l’équilibre économique des réseaux d’initiative publique. Certains acteurs économiques se plaignent d’être considérés comme des grands personnages ayant les poches profondes… Mais au petit jeu de « ma cassette, ma cassette », il me semble pourtant que les collectivités l’emportent et de très loin, au seul bénéfice de ces acteurs.
Il y a un prix unique de vente de la fibre, qui dans les grandes lignes représente trois fois le coût moyen de construction en zone rentable, mais trois fois moins que le coût moyen de construction en zone RIP.
Avons-nous bénéficié, comme France Télécom puis Orange l’ont eu à juste titre, d’un Service Universel alimenté à hauteur de centaines de millions d’Euros par la filière pour la seule composante péréquation géographique d’un réseau pourtant déjà construit et naturellement en partie péréqué puisque monopolistique sur l’ensemble du territoire ?
Est-ce que les collectivités et les aménageurs qui ont construits une grande partie du Génie Civil du réseau cuivre ont perçu un centime de GC Blo ?
Qui finance la trésorerie des opérateurs en continuant de leur louer des raccordements FttH en dessous du coût réel supporté en mode STOC et payé cash par les RIP à ces mêmes opérateurs ?
Et qui continue de payer les Opérateurs Commerciaux pour les raccordements en mode STOC plus cher que ce qu’elles payent en prestation en mode OI, sinon les collectivités ?
Et si le fixe ne suffisait pas comme exemple, qui depuis 2003 loue aux opérateurs des pylônes de téléphonie mobile pour une somme souvent inchangée, à savoir 1€ symbolique par an, alors que depuis ce temps, on a vu apparaitre la 3G, la 4G et la 5G, un nouvel opérateur mobile, le New Deal mobile etc etc. ?
Ah, si seulement GC Blo pouvait avoir augmenté au même rythme…
À qui au final bénéficie de cette forme de service universel de la téléphonie mobile et de la fibre optique sur l’ensemble du territoire ?
Aux Opérateurs Commerciaux qui, grâce aux poches profondes des collectivités et de l’État, ont aujourd’hui, selon le rapport de la Cour des Comptes, déjà 30% de leurs abonnés (et c’est tant mieux) raccordés à des RIP et non pas à des flottes satellitaires tout sauf souveraines.
Alors évidemment, je comprends que certains n’aient pas envie que cela change.
Mais comprenez que nous, collectivités, (et j’en suis persuadé au fond les opérateurs d’infrastructures même si ils sont parfois OC) le voulons et allons tout faire pour l’obtenir. La Cour des comptes a identifié le problème, les voies pour le résoudre mais aussi les angles morts.
Nous ne pouvons croire que certains dramaturges aient seulement envisagé que le déficit public contribue anormalement au bénéfice de certains acteurs de la filière.
Ni croire que le dénouement, à la dernière scène du dernier acte, sera que certains acteurs du monde des télécoms rachètent nos réseaux pour une bouchée de pain.
Chacun, et notamment les contribuables, pourrait alors s’écrier « ma cassette, on m’a volé ma cassette ! »
Ne laissons pas l’improvisation être la règle.
L’Autorité de régulation a annoncé en septembre dernier vouloir faire de ce sujet de l’équilibre économique des RIP sa priorité.
C’est une excellente décision, nous devons tous nous en féliciter.
Certains craignent que ces travaux trainent en longueur, comme pour le mode STOC.
Je préfère pour ma part garder confiance et prendre comme référence la très rapide montée en compétence du Régulateur, ses actions et sa production d’indicateurs chiffrés et de guides s’agissant de l’impact environnemental du numérique, suite à la loi REEN, qui vous le savez m’est particulièrement chère.
Ce sujet sera probablement abordé en fin d’après-midi, dans le cadre de nos échanges sur un thème bien plus large : l’intégration de la responsabilité sociale et environnementale…
Et pourtant, s’agissant de la mesure et du suivi de cet impact environnemental, Madame la Présidente, vous partiez au cas d’espèce d’une feuille complètement blanche, où tout était à créer, à imaginer.
Mais s’agissant de l’équilibre financier des RIP, comme cela remonte déjà au temps de votre prédécesseur et que l’Arcep régule le réseau cuivre depuis plus de 30 ans, vous avez la chance de ne pas devoir partir d’une feuille blanche.
Donc en résumé : ayons confiance dans la rapidité et les conclusions des travaux qui vont être conduits par le Régulateur.
Vous le savez Madame la Présidente, l’Avicca est prête à jouer son rôle. Nous avons d’ailleurs passer quelques auditions et espérons avoir un rôle dans cette pièce d’actualité.
Notre répertoire serait incomplet si nous n’évoquions le théâtre de l’absurde.
Je crois que Beckett et sa pièce « En attendant Godot » sont largement dépassés par cette mauvaise farce qui s’appelle STOC.
Ça va mieux nous explique-t-on.
C’est vrai, j’observe d’ailleurs dans mon département, l’Ain, que nous sommes passés de 80 / 90% de malfaçons en 2022 à « seulement » 70% fin 2024 en zone RIP.
Encore une douzaine d’années et ce devrait être bon. Rideau !
Quant aux initiatives de la filière pour résoudre ces problèmes qui durent depuis 8 ans maintenant, seule l’auto-labellisation de 100% des sous sous-traitants a été respectée et, véritable prouesse, avec moins de deux ans de retard.
Donc tous les techniciens doivent maintenant être au top et 100% des incidents doivent avoir disparus.
D’ailleurs, si les centres de formation restent désespérément vides, c’est probablement pour ça, il n’y a plus personne à former, les opérateurs n’embauchent que des techniciens compétents, respectueux des installations et des règles de sécurité.
Pourtant, c’est étrange. Selon le rapport de la Cour des comptes, il y a encore 82% des collectivités qui se plaignent du mode STOC.
On se demande aussi pourquoi la Médiatrice des télécoms pointe une hausse des problèmes liés à la fibre.
Et pourquoi la DGCCRF ouvre des enquêtes sur la sous-traitance.
Comment font la PQR, les journaux télévisés et magazines de reportage pour dénicher toujours des malfaçons ou des techniciens qui font n’importe quoi ? C’est à n’y rien comprendre.
Quant aux audits répétés des collectivités ou de leurs délégataires qui eux ne pointent toujours aucune amélioration significative, c’est probablement parce que ces audits ne sont pas réalisés comme il faut.
Je suggère à la filière de promouvoir des auto-audits fait par les techniciens auto-labelisés pour le compte d’Opérateurs auto-satisfaits.
Laissons-là cette farce qui n’est pas drôle, elle n’aura d’issue que grâce à la loi et même si je le regrette je constate que Encore une fois, nous aurons eu raison trop tôt.
Côté tragédie, je reviens d’un voyage de travail à Mayotte. La situation n’avait vraiment pas besoin d’un cyclone pour être le théâtre de la tempête ! On attendait un génie de l’air pour y déployer un réseau de fibre optique, mais pour le moment, cela ressemble plus à un duel entre les Montaigu et les Capulet.
Je le dis avec force réaliser un réseau Fibre optique à Mayotte sera un exploit
En imaginer 2 est un suicide.
Il faut mettre en œuvre les conditions pour qu’un dialogue constructif s’établisse entre les acteurs.
Sans metteur en scène, le spectacle mahorais sera un fiasco.
Demain , la Guyane nous montrera comment il est possible de donner une issue positive à Roméo et Juliette, en signant un accord public privé pour la couverture mobile, ici même, demain midi.
Voyons encore nos autres têtes d’affiche. Par exemple l’entrée en scène d’une plus si jeune première qui a fait ses débuts sur nos planches, il y a quelques temps déjà : l’IA, l’intelligence artificielle.
Peut-être faudrait-il lui céder la bonne réplique qui a fait la gloire de nos RIP : « sans infra, rien ne se fera » pour la transposer, presque 20 après, à « sans infra, pas d’IA ».
Il ne s’agit pas de dramatiser à nouveau, mais dans le rapport « ChatGPT, et après ? », auquel j’ai contribué, l’Office Parlementaire d’Évaluation des Choix Scientifiques et Technologiques (OPECST) relève, fin 2024, « la longue et complexe chaîne de valeur de l’IA ».
Cette chaîne compte une dizaine d’étapes qui commence avec l’énergie et les matières premières pour se terminer avec les utilisateurs et les applications.
Je crois notamment très fortement aux applications métiers de l’IA.
Mais pour cela, le maillon des infrastructures énergétiques et le stockage des données dans de vastes datacenters est essentiel, bien que parfois occulté par les (trop) belles promesses des usages.
Alors sans infra, pas d’IA ? Ce sera à Séverine Reynaud, notre Vice-Présidente, d’y répondre avec ses invités demain, en clôture de notre colloque.
Sur ce sujet, comme sur les autres, nous faisons confiance à l’intelligence collective.
La nôtre n’est pas artificielle, car avec la troupe que nous avons constitué au fil de ces bientôt 40 années d’existence de l’Avicca, nous mutualiserons, sur scène comme dans la salle, nos retours d’expérience, nos talents et nos fermes volontés pour donner à nos collectivités le bon, le beau, le juste rôle dans la transformation numérique de la France, de toute la France, de tous ses territoires !
Bon TRIP à toutes et à tous !
