Très haut débit pour tous, tous pour le très haut débit : vers des Etats généraux Octobre 2009
La fibre optique pour tous est devenue un enjeu politique national, et on ne peut que s’en féliciter. Le sujet est au cœur de l’actualité. La Commission européenne a donné son feu vert au réseau très haut débit, qui va couvrir la totalité des Hauts de Seine, en précisant qu’il allait "stimuler la concurrence et la fourniture de nouveaux services innovants au profit de tous les citoyens du département par son caractère public et son ouverture aux opérateurs". Mais tous les territoires ne sont pas aussi denses et riches. A partir du 1er janvier 2010, les immeubles neufs devront être fibrés, partout en France ; mais qui va amener la fibre pour les raccorder ? Et quand ? Généraliser le très haut débit apparaît nécessaire. Cependant les discussions sur ce sujet majeur sont aujourd’hui éclatées, sans cohérence et parfois obscures, alors qu’elles devraient faire l’objet d’un grand débat public avec tous les acteurs.
Est-ce qu’un médecin, un architecte, un salarié de PME, un élève aura accès, dans un délai raisonnable, à des services de communications électroniques aussi performants et bon marché dans une petite ville qu’à Paris ou en première couronne parisienne ? Est-ce que le découpage envisagé du territoire en "zone 1", "zone 2", "zone 3", suivant leur degré de rentabilité, ne va pas créer des citoyens, des services publics ou des entreprises de 3ème zone ? En juillet dernier, les grandes associations de collectivités, AMF, ADF, ARF, et l’AVICCA, ont demandé "une couverture en fibre optique de l’essentiel du territoire dans un horizon inférieur à dix ans". Le passage du réseau cuivre, hérité du monopole public, aux réseaux de nouvelle génération apparaît bien comme un enjeu d’aménagement et de compétitivité de chaque territoire et de la France entière. De l’Australie à la Grèce en passant par Singapour ou la Suisse et de nombreux autres pays se lancent aussi dans cette mutation.
Face à cet enjeu déterminant, qui doit mobiliser l’Etat, les opérateurs et les collectivités, les orientations possibles sont diverses. Laisser faire le marché et les opérateurs privés, favoriser et coordonner l’initiative publique locale, créer un nouveau réseau public ou en partenariat public/privé national… Les choix qui seront arrêtés auront un impact direct sur l’économie, la couverture territoriale, les prix des services offerts aux particuliers et aux entreprises.
Le débat autour de cette mutation se mène jusqu’à présent dans des lieux éclatés, et sans cohérence. Le législateur institue des schémas directeurs départementaux et un fonds d’aide pour les collectivités. L’ARCEP tente d’élaborer des règles de mutualisation entre opérateurs privés ou publics. Deux anciens Premiers ministres planchent sur l’emploi du grand emprunt. La Caisse des Dépôts a pour mission d’essayer de monter une mutualisation entre opérateurs mais seulement sur les zones rentables. Les cabinets ministériels et présidentiels auditionnent et en privé, on évoque la création de sociétés régionales sous impulsion de l’Etat en même temps qu’un amendement gouvernemental permet la création de sociétés d’économie mixte à capitaux publics locaux minoritaires… En juin 2008 était lancé un Comité pour la couverture numérique du territoire, associant l’Etat, des parlementaires, les associations de collectivité : il ne s’est pas réuni une seule fois en formation plénière ! Manque de débat ?
Il manque aujourd’hui un espace public de débat, sous l’égide de l’Etat, entre toutes les parties prenantes, afin d’aboutir à une décision claire et qui donne une impulsion à l’ensemble des acteurs : ministères, régulateur, collectivités de tous niveaux, opérateurs, équipementiers, constructeurs de réseaux, gestionnaires d’immeubles, représentants des consommateurs... Cette méthode, le Japon l’a mise en œuvre il y a dix ans, avec le succès que l’on connaît. Pourquoi pas chez nous en France ?
Quelques semaines d’échanges, publics, permettraient de fixer des objectifs nationaux essentiels (couverture du territoire et rythme de montée en charge, libre choix des clients, péréquation tarifaire nationale, homogénéité des solutions pour garantir leur interopérabilité, l’industrialisation des process et le développement de nouveaux services, etc.). Il serait possible d’analyser, puis de retenir les moyens les plus adéquats pour atteindre ces objectifs (maîtrise d’ouvrage des réseaux de nouvelle génération, concurrence par les infrastructures ou par les services, mobilisation de financements de longs termes, utilisation des technologies palliatives pendant la montée en charge…). Une rencontre annuelle favoriserait l’adaptation des plans d’actions en fonction des évolutions (jeu des acteurs, état des déploiements, technologies…).
Le très haut débit pour tous est une chance à saisir pour notre Nation et pour chacun de ses territoires. J’en appelle à la tenue des Etats Généraux pour rassembler toutes nos forces, toute notre inventivité à la généralisation du très haut débit pour tous.
Paris, le 19 octobre 2009
Yves ROME
Président de l'AVICCA
Contact : Patrick VUITTON, Délégué général