Numérique / Territoires

Très haut débit, nouvel objectif ? Février 2006

Le très haut débit est en marche, poussé par le succès commercial du haut débit et par les limites technologiques des réseaux d'accès actuels.

Depuis un moment, France Télécom opticalise graduellement son réseau, le reconfigure (NRA HD) et va tester le FTTH ; les câblo-opérateurs poussent la fibre plus loin, pour gagner en fiabilité et diminuer la taille des poches arborescentes. Et des collectivités pionnières se lancent, sur tout leur territoire (CA de Pau, Gonfreville-L'Orcher) ou sur leurs zones d'activité (Grand Nancy, Sipperec, Sicoval...).

Mais l'Idate note, dans son étude pour le FTTH Council Europe, qu'il n'y a pas eu d'annonces significatives de nouveaux déploiements FTTx en Europe depuis le milieu de l'année 2004, que les pionniers (Fastweb et B2) ont arrêté leurs déploiements ; par contre des projets publics démarrent (Amsterdam, Asturies).

Cette marche, encore hésitante du côté privé, pourrait connaître une accélération par l'intervention publique locale. Les initiatives annoncées pourraient placer le très haut débit comme le nouvel objectif d'aménagement du territoire, au moins dans les grandes agglomérations.

Des infrastructures privées fermées

Pour l'Idate, ce qui s'accélère significativement...c'est le débat sur la régulation ! Pour l'investissement privé, c'est la question centrale.

En Allemagne, Deutsche Telekom continue à faire pression sur les pouvoirs publics, en demandant des assurances sur l'absence de régulation de son réseau à construire. DT va jusqu'à préciser qu'elle est prête à ouvrir son réseau à ses concurrents, mais à condition de pouvoir fixer librement le prix de location... Au Japon, NTT cherche à sortir de l'obligation d'ouvrir sa fibre.

En France, le Ministre délégué à l'Industrie a appelé à ne pas réguler le passage au très haut débit. Alors que la régulation est par principe ex-ante, le Ministre (La Tribune, 16 janvier) souhaite qu'elle intervienne ex-post : ''s'il y a défaillance du marché, par exemple la reconstitution d'un monopole, alors l'ARCEP devra réguler en tenant compte des risques pris par l'industriel'' (...). ''Je ne voudrais pas que la perspective de l'ouverture à la concurrence décourage l'investissement et que France Telecom ou tout autre opérateur n'investisse pas de peur que son réseau soit ouvert à des concurrents qui n'ont pas pris les mêmes risques''. Bien que ce ne soit pas le Ministre qui fasse la régulation, le message politique est clair. Le Ministre a également donné sa préférence à des investissements privés plutôt que publics. Ceci alors que le Maire de Paris, comme le Président du Conseil général des Hauts-de-Seine ont annoncé leur intention de déployer de la fibre optique.

FT teste et remet à plus tard

Le 17 janvier, lendemain de la déclaration ministérielle, France Télécom a justement annoncé l'expérimentation du FTTH, sur plusieurs milliers de prises en 2006... à Paris et dans les Hauts-de-Seine (à Pau, il est trop tard ?). Etrangement d'ailleurs, FT recense 6 villes du 92 pour cette expérimentation, mais n'en nomme que 5 : Issy-les-Moulineaux, Boulogne-Billancourt, Rueil-Malmaison, Asnières, Villeneuve-la-Garenne.

La stratégie annoncée est claire :

  • investir au moment où le développement des usages le justifiera
  • sans attendre, tester à travers des pilotes la maîtrise du savoir faire technique, commercial, partenarial
  • choix stratégique d'investir directement dans la solution la plus prometteuse en débit et en évolutivité : la fibre à domicile (FTTH)

Contrairement à Deutsche Telekom, qui veut investir dès maintenant dans le VDSL, France Telecom choisi donc d'attendre pour déployer plutôt du FTTH, probablement en G-PON. En dehors des considérations financières (endettement, cours de bourse...), la configuration du réseau cuivre a sans doute joué. Les longueurs moyennes de câble entre le sous-répartiteur et le foyer sont beaucoup plus grandes en France, rendant le gain du VDSL par rapport à l'ADSL moins intéressant.

Les collectivités, moteurs de l'évolution ?

L'investissement privé pour faire progresser les réseaux d'accès vers le très haut débit entraîne une logique d'écrémage et de fermeture des nouveaux réseaux.

Il n'y a pas lieu d'être très optimiste sur les conséquences de tels scénarios en termes de couverture du territoire. Et la dynamique du haut débit sur adsl pourrait ne pas se reproduire, faute de diversité d'offres et d'homogénéité de couverture par les réseaux.

L'intervention des collectivités permettrait de résoudre cette contradiction : elles savent investir à long terme dans les infrastructures et doivent le faire de manière ouverte à l'ensemble des opérateurs.

Mais sont-elles prêtes à le faire ?

D'un côté, il est encourageant de voir qu'en l'espace de quelques années, elles ont été plusieurs dizaines à lancer des réseaux de collecte dans le même esprit, que ce mouvement se poursuit et qu'il constitue une bonne base pour aller vers les réseaux d'accès. D'un autre côté, les capacités financières ne sont pas illimitées et les collectivités sont très sollicitées. Il faut que l'économie publique du très haut débit soit celle d'une péréquation territoriale, mais pas d'un subventionnement de fonctionnement récurrent pour des services encore émergents. Bref, qu'une rentabilité se dessine après une phase d'amorçage, au moins dans les zones denses.

Le facteur déterminant sera le coût d'accès au génie civil. Et là, deux opérateurs ont déjà des réseaux d'accès qui permettraient sans doute de minimiser ce coût : France Telecom et l'opérateur local de réseau câblé. Quels jeux joueront-ils si la collectivité veut monter des partenariats public-privé ? A priori, ce sont eux qui ont le plus intérêt à une concurrence par les réseaux.

Un élément de réponse sera fourni avec le lancement des projets effectifs des collectivités. A Pau, Noos avait accepté de mettre à disposition une partie de son génie civil, moyennant finances, mais avait tenté par la suite de contrecarrer le projet. Qu'en sera-t-il pour les Hauts-de-Seine et Paris ?

En tout cas, s'il va jusqu'au bout, l'engagement des deux départements les plus riches de France crée une nouvelle situation : - il crée un effet de masse qui démarre l'industrialisation des nouveaux réseaux en France et des offres de services - il crée un nouvel objectif à atteindre pour rester dans la course, pour les grandes agglomérations d'abord, puis pour tous les territoires

sur le site de l'Idate : FTTH, la situation en Europe