Transition vers le Très haut débit : un satellite et un schéma encore repoussé Décembre 2009
Les annonces sur les emplois divers du Grand emprunt ne pouvaient plus attendre les arbitrages sur le volet "Très haut débit", manifestement difficiles à rendre. L'annonce d'un grand plan, prévue en novembre, repoussée à décembre, attendra 2010. Le Président de la République a essentiellement confirmé les propositions du rapport qui lui avait été remis, avec un volet de 2 milliards d'euros sur les réseaux, et précisé quelque peu son emploi. Le schéma global est renvoyé à une annonce gouvernementale : "Un schéma de déploiement du haut debit sera arrêté par l'Etat" (...)" Le plan sera présenté par le gouvernement dans les prochains jours".
Grand consortium dans les zones rentables ou appels à projets locaux, il est toujours difficile de "mutualiser" les intérêts particuliers de chaque opérateur pour en faire un intérêt général de déploiement d'un nouveau réseau. Par ailleurs, l'articulation de ces annonces avec la proposition de loi contre la fracture numérique, adoptée la semaine dernière par un vote conforme au Sénat, n'apparaît pas très évidente.
Pour l'utilisation du Grand emprunt, la première précision concerne le fait qu'il n'y aura pas exactement une "Agence du numérique", l'instance prévue au plan France numérique 2012 pour regrouper les services de l'Etat éclatés sur cette question, et qui aurait pu aussi administrer les crédits. Il est question d'un établissement public spécifique, relevant du Premier ministre, via le secrétariat d'Etat chargé de l'économie numérique, chargé d'un "fonds national pour la société numérique". Les ministères concernés, notamment Industrie, Aménagement du territoire, Culture et Santé, seront associés à sa "gouvernance". Il s'agit là sans doute de la traduction de la volonté de fléchage de l'ensemble du Grand emprunt.
L'autre précision est qu'une partie du montant servira à "bâtir un partenariat public/privé (ou concession de service public) pour déployer un satellite qui apportera le Très haut débit d’ici 5 ans à 750.000 foyers en zone rurale". Cette possibilité, envisagée par les rapporteurs et par le secrétariat d'Etat à l'économie numérique, est donc actée. Si le projet Megasat, promu par Eutelsat, était retenu, il pourrait consommer presque un quart des crédits, entre la subvention au satellite lui-même et celles aux équipements individuels. Et encore une fois, cette solution ne couvre pas les territoires outre-mer.
Pour le reste, il est toujours question de subventions pour les projets "en partenariat avec les collectivités locales" en "zone peu dense", notion qui reste à préciser, et de prêts ou garanties d'emprunt pour "favoriser un investissement mutualisé entre acteurs". A noter que le rapport initial prévoyait "au moins un milliard" sur ce dernier volet, dit parfois en "zone 2", alors que la décision ne fixe pas de répartition entre les projets non rentables et rentables. Le volet "zone 2" du dossier semble assez enlisé pour de multiples raisons :
- les opérateurs alternatifs sont d'abord préoccupés de rattraper leur retard sur la "zone 1" où il n'y a de mutualisation qu'à l'intérieur des immeubles, et où la concurrence par les infrastructures joue le plus. Si France Télécom a déployé plus de 4 millions de prises en horizontal, SFR et Free regrettent d'avoir accédé tardivement aux fourreaux de l'opérateur historique et en comptent moins de 1,5 millions. Ils n'ont pas non plus les mêmes moyens financiers et capacités opérationnelles de déployer des réseaux ;
- France Télécom a intérêt à mutualiser le moins possible sur la partie horizontale, contrairement aux alternatifs qui n'ont pas de réseau existant ;
- l'ARCEP n'arrive pas à établir les principes de mutualisation en dehors de la zone 1, car les opérateurs ont trop d'intérêts contradictoires pour lancer des expérimentations qui pourraient servir de base à une régulation.
Tant que France Télécom/Orange restera verticalement intégré, on voit mal ce qui le pousserait à dévaloriser massivement son réseau cuivre propriétaire pour en mutualiser un nouveau avec ses concurrents.
Par ailleurs, la proposition de loi de lutte contre la fracture numérique comporte trois dispositions essentielles :
- la réalisation de "schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique" à l'échelle au moins départementale ;
- la création d'un "fonds d’aménagement numérique des territoires", associant l'Etat, les représentants des collectivités et des opérateurs, et géré par la Caisse des dépôts ;
- un emploi des fréquences libérées du dividende numérique qui tienne "prioritairement compte des impératifs d’aménagement numérique du territoire".
Comment articuler les "schémas directeurs territoriaux" locaux avec un schéma arrêté par l'Etat ? Un "fonds d'aménagement numérique des territoires" de la Caisse des dépôts, cogéré avec les collectivités et les opérateurs avec un "fonds national pour la société numérique" géré par l'Etat ? L'emploi du dividende numérique pour utiliser les fréquences "en or" terrestres avec le lancement d'un nouveau satellite ? Réponses sans doute après la trêve des confiseurs...