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Raccordements FttH et rémunération des prestataires : du tabou à l'alerte rouge Octobre 2022

L'Avicca a très tôt (2017) dénoncé, avec ses membres, les premières dérives du mode STOC de raccordement FttH. Dans un article de 2020, qui avait beaucoup fait "réagir" la filière, l'association alertait déjà sur l'un des problèmes cruciaux à prendre en compte, celui de la juste rémunération des prestations de raccordement : " identifier la chaîne de sous-traitance complète jusqu'à la personne qui effectuera concrètement le raccordement. Cet exercice pourra utilement être doublé de l'élaboration d'une règle déontologique impliquant, par exemple, de ne pas payer cette personne jusqu'à 6 fois moins cher que ce que la collectivité paie pour cette prestation. "

Un premier plan de réponse de la filière, le célèbre STOC V2, venait alors d'être présenté aux collectivités, lesquelles n'avaient pas été associées à son élaboration. Ce plan prévoyait déjà de demander, entre autre, des actions supplémentaires aux raccordeurs FttH. Frappées parfois du bon sens au point que l'on pouvait s'étonner que la prestation de raccordement pouvait auparavant s'exécuter autrement, ces "nouvelles" tâches ne s'accompagnaient en revanche pas d'un changement de rémunération.

Bien au contraire, l'Avicca a été très rapidement alertée sur la dégradation des conditions de rémunération des sous-traitants. Les défaillances ou les reconversions d'entreprises de rang 2 se sont accélérées au même rythme que l'ubérisation des prestations de raccordements FttH : " La filière structurée des prestataires de rang 2 pour le cuivre et la fibre comptait 175 entreprises locales structurées employant 13 000 salariés en 2015 [...], il ne reste qu'une soixantaine de ces entreprises structurées aujourd'hui, lesquelles ne comptent désormais plus que 6 000 salariés [...]. La filière est aujourd'hui malmenée à un point tel que même certains acteurs de rang 1 sont à leur tour touchés. Si les rangs 2 meurent en silence, la chute ou la fragilisation d'acteurs historiques de premier plan fait, elle, beaucoup plus de bruit. "

Si quelques territoires échappaient et échappent encore aux désordres subis ailleurs, la lente et fastidieuse mise en oeuvre du mode STOC V2 n'a rien réglé, bien au contraire. Plus de deux ans déjà de perdus, malgré les multiples alertes des élus locaux, de leurs associations représentatives et de la presse sur la dégradation continue des réseaux FttH.

Et lorsqu'un nouveau plan est annoncé à l'été 2022 par la filière, l'Avicca, tout en saluant l'intérêt des propositions qui sont faites, constate que le compte n'y est pas. Le plus flagrant est que, malgré l'insistance des représentants des collectivités et des sous-traitants de rang 2, la question de la rémunération restait taboue. Au point de pousser notre association à élaborer une proposition de loi déposée au Sénat en juillet par le président de l'Avicca, le sénateur de l'Ain Patrick Chaize.

Mais, coup de théâtre lors de l'Université du Très Haut Débit, réunie à Toulouse ce mois d'octobre 2022. Le président d'InfraNum et, avec lui, nombre d'acteurs de premier plan, mettent publiquement les pieds dans le plat et, enfin, brisent le tabou : il y a un gros problème de rémunération des prestations liées au déploiement de la fibre et, plus spécifiquement, des raccordements FttH. De surcroît, l'inflation vient accentuer la pression sur la filière.

L'Avicca salue cette prise de position publique et demande que le plan de la filière intègre pleinement ce sujet trop longtemps passé sous silence (sauf du côté des collectivités et des prestataires de rang 2). Le juste partage de la valeur reste en effet la condition sine qua non d'une mise en oeuvre dans les règles de l'art et de sécurité des raccordements FttH en mode STOC. Car oui, il y a vraiment une alerte rouge en la matière.