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Licences WiMAX : impôt sur l'infortune Octobre 2005

S'il n'y a pas à proprement parler d'enchères pour les licences WiMAX, l'ARCEP et le Ministre de l'Industrie ont choisi de faire du « montant de la redevance à payer » un critère qui « constitue un élément significatif dans l'évaluation que l'Autorité fera des projets des acteurs ». Les dossiers sont notés sur un barème total de100 points ; dans une symbolique assez dérisoire, le critère « contribution du projet au développement territorial du haut débit » bénéficie royalement d'une note sur 34 points, et le montant de la redevance... sur 33 points (le critère « concurrence » étant sur 33 points également). Ce qu'on appelle hiérarchiser les priorités !

Cette redevance, qui tombera dans l'escarcelle de l'Etat, pose de nombreux problèmes de principes, notamment pour les collectivités.

Des engagements fermes en faveur de l'Etat, mais pas pour les collectivités

Le seul mérite qu'on peut reconnaître à une redevance, c'est de gêner la spéculation pure de sociétés fantômes, déposant de magnifiques dossiers qui ne chercheraient qu'une revente rapide ; le règlement précise bien que le montant annoncé sera exigible dans les deux semaines suivant la délivrance de l'autorisation et ne sera restitué en aucun cas. Bercy veille à ses intérêts !

Les engagements de couverture, eux, ne sont pas si fermes : on l'a vu par le passé, ils se renégocient, car il est toujours difficile d'ôter une licence à quelqu'un qui n'a remplit qu'une partie de ses obligations. L'Arcep a même déjà prévu qu'il suffira d'exploiter activement un émetteur dans un département pour que l'engagement de démarrer dans les 24 mois soit considéré comme tenu... Il est même prévu qu'un opérateur qui ne respecterait pas ce minima se ferait retirer sa licence non sur la région, mais sur le département en question. Ce qu'on appelle de la dissuasion massive...

Enfin un engagement qu'un candidat aurait pris vis-à-vis d'une collectivité, pour obtenir son aval dans la course aux licences, n'aurait bien sûr aucune valeur contraignante.

Free, à quel prix ?

Free a ouvert le bal en rachetant Altitude Télécoms qui détenait la seule licence WiMAX nationale, avec de faibles engagements de couverture. Tout le monde aimerait connaître le prix, cela donnerait une indication sur le marché, non encore ouvert, des licences, ou sur la compétition à venir... Mais le secret est bien gardé. Non cédée à Free, Altitude Développement gardera les équipements et l'usage de la licence pour les quatre départements où la BLR a été déployée, ainsi que dans les endroits où la société a répondu à des DSP.

Des règles discriminatoires pour les collectivités

Question soulevée au colloque du 23 septembre par Michel Teston, Président de la commission TIC de l'ADF : l'égalité de traitement au sujet du critère financier. Les délibérations des collectivités sont publiques, donc n'importe quel candidat pourra connaître l'enveloppe prévue et surenchérir. Dès lors les collectivités ne bénéficient pas d'une égalité des chances qui est pourtant obligatoire.

L'Arcep devra donc trouver une solution pour préserver cette égalité, faute de quoi l'ensemble de la procédure pourrait être annulée...

Financements publics et couverture

Est-il possible de couvrir le territoire sans financement public ? Pas facilement si l'on regarde les déploiements départementaux existants. Par exemple dans le cas de la Vendée (département relativement plat de 6 720 km2), l'objectif de couverture est de 97% du territoire et 99% de la population (en cours de vérification par des mesures in-situ). Le déploiement de vingt stations et du réseau de collecte correspondant se monte à environ 10 millions d'euros, dont la moitié a été subventionnée par le marché de services du Conseil général.

Prendre un engagement fort de couverture suppose soit un grand optimiste dans les applications nomades en zones denses, permettant de dégager des ressources pour péréquer et travailler à perte sur les zones blanches, soit d'anticiper sur des financements publics à recevoir pour couvrir ces mêmes zones. Calcul de risques : avoir une licence permet de bien se positionner sur les dsp, mais il y a aura trois licences...

Dépéréquation du territoire

Le critère financier ne pose pas que le problème d'égalité de traitement entre secteur privé et collectivités. Certains opérateurs y voient un ticket d'entrée, obligatoire pour avoir une chance dans la compétition, et qu'ils se rembourseront... en la faisant payer aux collectivités qui les retiendront dans une dsp !

Quant aux collectivités candidates en direct, le débat est ouvert. A priori, il vaut mieux mettre un euro sur la couverture du territoire, qui va à la fois rapporter un peu et répondre à l'objectif public, que de le donner à l'Etat (charité bien ordonnée...).

De toute façon, il n'y a pas de mystère. Tout euro pris par l'Etat sur le critère du montant financier viendra soit de la poche des consommateurs et entreprises résidant en zone blanche ou non concurrentielle, soit des collectivités qui ont le plus besoin d'aménager leur territoire : un impôt sur l'infortune !