Numérique / Territoires

Déploiements FttH au 3e trimestre 2020 : satisfaction sur les volumes, toujours pas sur la complétude, encore moins sur la qualité Décembre 2020

"Un seul être vous manque et tout est dépeuplé."

Quelles que soient les technologies mises en oeuvre (DSL, FttH, 4G...), plus les bénéficiaires de l'une sont nombreux, plus ceux qui en restent exclus vivent mal leur fracture numérique et l'expriment bruyamment. Cette règle, bien connue des collectivités, fait un écho tout particulier avec le double confinement, qui  accentue encore l'appétence des Français pour le Très Haut Débit. Ceux-ci ont massivement jeté leur dévolu, lorsqu'ils le pouvaient, sur la fibre optique au 3e trimestre 2020. Résultats : 944 000 clients supplémentaires (et presqu'autant de problèmes de mode STOC ?) contre un rythme trimestriel de 600 à 700 000 auparavant.
Avec 9,25 millions de clients connectés à la fibre optique (soit près d'un abonnement à internet sur trois), le FttH devient une technologie de masse, connue et sans cesse vantée par les publicités. Ceux qui en sont exclus le vivent donc de plus en plus mal, surtout lorsqu'ils habitent dans les centres urbains voire "de l'autre côté de la rue", dans ces zones très denses où de grandes promesses ont été faites il y a déjà 10 ans.

En outre, l'exigence de complétude se heurte à une autre urgence : celle de la qualité des déploiements. Nous savions tous qu'il fallait faire preuve d'un optimisme béat pour croire que les intentions de 2011 seraient respectées. Aussi, cette accélération (bien qu'extraordinaire) reste toujours trop tardive, et pose de sérieuses inquiétudes s'agissant des déploiements effectués. Si la question de la complétude se fait de plus en plus pressante, nous ne devrions pourtant pas chercher à rattraper à tout prix l'inévitable retard passé en sacrifiant la qualité des réseaux FttH pour les prochaines années. Ceux-ci sont nos biens communs.

 

La zone très dense

Parfaite illustration de notre propos, la zone très dense, démarrée pour certaines communes en 2006, ne connaît toujours pas de complétude marquée après toutes ces années. Et pour cause : le rythme y reste, depuis 2014, toujours situé entre 90 000 et 200 000 prises par trimestre. Orange reste encore et toujours le seul opérateur à déployer de manière significative sur ces communes qui devaient pourtant être des zones de concurrence par les infrastructures...

Difficile donc, même en étant raisonnable, d'espérer une complétude avant 2023 dans le meilleur des cas. En attendant, il conviendrait de concentrer les efforts des opérateurs sur les communes les moins bien pourvues, notamment Lille et Clermont-Ferrand, qui restent, une fois encore, sous la barre des 50% de raccordables. Ou alors faudrait-il se résoudre à lancer un RIP sur certaines zones très denses ?

 

Les 92% de raccordables de la zone AMII sont-ils un engagement intermédiaire ou un plafond de verre ?

L'Avicca n'a cessé de le marteler : comment les échéances intermédiaires de 2014 à 2019 pour 314 communes et celles de 2020 pour les 3020 autres de la zone AMII pouvaient-elles être tenues alors que, jusqu'en 2016, les déploiements FttH sont restés atones ? Rappelons qu'il y a eu sur la zone AMII presque autant de déploiements FttH de 2011 à 2015 que pour la seule année 2018 ! La date butoir de fin 2020 ne sera donc pas respectée, même avec un trimestre supplémentaire en raison de la crise sanitaire qui pourtant, nous l'avons vu, n'aura pas ou peu eu d'effets sur les rythmes de déploiements. Cependant, l'échéance de 2022 semble peut-être, elle, atteignable. Raison de plus pour miser sur la qualité des déploiements, des raccordements... et des chantiers !

 

Exemple de chantier de la zone AMII, laissé en plan pour la nuit,
chambre ouverte et câble en vrac sur le trottoir...

 

 

Tout commentaire serait superflu

 

Pour autant, les problèmes de chantiers restent de loin, très loin, des problèmes liés au mode STOC en zone AMII. Les plaintes des habitants et des élus se multiplient tandis que les ravages continuent au point que certains habitants réparent eux-mêmes leurs connexions coupées par les prestataires des opérateurs... quitte à couper d'autres connexions ! L'Avicca en vient à se demander si, plutôt que des engagements L33-13 sur la complétude, il n'eut pas été préférable de prévoir en 2018 des engagements L33-13 sur la qualité des déploiements et des raccordements...

Pour en revenir à la complétude, il n'y a pas qu'Orange et SFR qui déploient en zone AMII. Ainsi, en novembre 2016, après avoir résilié la convention qui la liait à SFR pour 70 communes (constat de carence prononcé par l'Etat), la Métropole Européenne de Lille a confié la couverture en fibre optique de 57 de ses villes à Orange et celle des treize restantes à Covage. Bien lui en a pris, car si l'opérateur historique a pratiquement atteint 80% de raccordables, Covage a dépassé les 90%, alors même qu'il a démarré ses déploiements 5 ans plus tard (et sans engagements L33-13 au demeurant, comme quoi...) ! Quant aux quelques communes de l'agglomération lilloise situées en zone d'initiative publique, elles sont raccordables à plus de 98%...

 

Effectivement, la complétude des déploiements reste la marque distinctive des déploiements publics. Certes, ces déploiements ont démarré bien plus tardivement que ceux de la zone d'initiative privée, mais à un rythme plus soutenu d'une part, et avec une volonté d'achever rapidement les déploiements sur une commune lorsque celle-ci a été commencée, d'autre part. Si un tiers des communes de la zone RIP connaît un démarrage des travaux, 43% de celles-ci sont intégralement ou quasi intégralement rendues raccordables (contre 19% en ZTD et 13% en zone AMII).

La zone RIP de Seine-Saint-Denis rejoint celles des départements (Val-de-Marne, Oise, Loire) ayant rendu raccordable la totalité ou la quasi-totalité de leurs locaux (ce qu'aucune zone AMII départementale n'est encore parvenue à faire). Celle du Val-d'Oise devrait atteindre cet objectif avant la fin de l'année 2020. L'Aisne, l'Eure-et-Loir, le Nord et les Yvelines devraient y parvenir d'ici la fin de l'année 2021.

 

 

S'il y a bien une constante s'agissant des communes qui ont été confiées aux opérateurs privées postérieurement à l'AMII 2011, c'est que la seule évolution tangible d'un trimestre à l'autre reste le nombre de communes que l'Etat continue de confier aux opérateurs privés. Restons toutefois positifs : à ce rythme, cette persévérance pourrait enfin porter ses fruits d'ici 7 ans ! FttH pour tous en 2025 ou en 2027 ? Un seul être...