Numérique / Territoires

8. WiMax - Rôles des Départements et articulation avec les Régions Septembre 2005

Michel TESTON, Sénateur,

Président de la commission Tic de l'ADF,

Président du Conseil général de l'Ardèche

Rôles des Départements et articulation avec les Régions

Je tiens d'abord à saluer le président de l'Avicca et tous ses membres, à vous saluer, mesdames et messieurs. J'entre tout de suite dans le vif du sujet en indiquant que, parmi les collectivités, ce sont bien les Départements qui témoignent du plus grand intérêt envers le développement des technologies hertziennes pour la desserte à haut débit des territoires.

Vous le savez toutes et tous, les Départements sont au cœur de la problématique des réseaux d'initiative publique de collecte, avec deux objectifs :

  • développer la concurrence sur les parties du territoire où déjà un, voire plusieurs opérateurs présentent une offre de connexion à haut débit, le plus souvent par l'ADSL ;
  • desservir les zones blanches où aucun opérateur n'envisage d'installer d'équipement, du fait de la faiblesse de la densité de population et de la dispersion des mêmes populations.

Il a déjà été dit que de nombreux projets sont actuellement en cours d'étude, d'autres en phase de mise en œuvre, d'autres encore sont déjà opérationnels, et notamment sur le modèle de la DSP concessive. Ce qui apparaît, dans la majorité de ces projets, c'est que la technologie de la BLR arrive en appoint du réseau de fibre optique pour compléter le réseau de collecte et assurer ainsi une couverture optimale du territoire. L'on peut donc dire sans se tromper que la maîtrise d'une licence de BLR par les collectivités serait une garantie d'aménagement numérique maîtrisé de leur territoire.

Ceci m'amène à évoquer le positionnement de l'Assemblée des Départements de France, qui a souhaité que les collectivités, notamment les Départements, puissent bénéficier sans procédure d'une licence de boucle locale radio. Son bureau, à mon initiative, a délibéré dans ce sens le 4 janvier 2005. Pourquoi avons-nous fait ce choix ? Il nous semble en effet qu'une telle attribution aurait permis - vous comprendrez tout à l'heure pourquoi j'emploie le conditionnel - d'éviter un écrémage du territoire par les opérateurs et la création d'oligopoles nationaux ou régionaux, préjudiciables au bon développement de la concurrence. Elle aurait permis aux Départements qui le souhaitaient de jouer tout leur rôle d'aménageur numérique du territoire, autorisé par le nouvel article L.1425-1 du Code général des collectivités territoriales, en assurant un échelon de péréquation approprié pour conduire un projet de réseau de collecte.

À la suite de cette délibération du bureau de l'Assemblée des Départements de France, l'Arcep a entrepris de définir les conditions dans lesquelles les collectivités territoriales pourraient se voir attribuer de telles autorisations. L'autorité a confié, au début du mois de février 2005, une mission d'expertise à Daniel Labetoulle, ancien président de la section du contentieux du Conseil d'État, dont je voudrais vous donner les principales conclusions, en étant le plus schématique possible :

  • une collectivité territoriale peut être attributaire et détentrice d'une autorisation d'utilisation de fréquence ;
  • en cas de candidatures concurrentes pour l'attribution d'une même autorisation de fréquence, une collectivité territoriale ne peut se prévaloir d'un régime préférentiel, mais elle ne doit pas davantage être pénalisée par les modalités d'attribution retenues.

Je m'en tiens à ces conclusions, même s'il y en a d'autres, car elles sont importantes pour la suite de mon intervention.

La procédure relative aux modalités, aux conditions d'autorisation, d'utilisation des fréquences de boucle locale radio a été lancée le 8 août 2005. Je vous le dis, mesdames et messieurs, et en présence de madame Gauthey, qui connaît ma position, cette procédure risque bien d'hypothéquer les chances des collectivités qui souhaitent mener à bien leur mission de service public en apportant le haut débit à tous. Elle me paraît désavantager les collectivités. Les raisons de cette prise de position résident dans les critères retenus, qui me paraissent de nature à ne pas permettre aux Départements de concourir à chances égales avec les autres candidats. Voici quelques éléments pour étayer mon propos :

il apparaît évident que le constat de rareté sera positif dans la quasi-totalité des régions, ce qui signifie que les candidatures des collectivités devront faire systématiquement l'objet d'une procédure de sélection, sur la base d'une soumission comparative des dossiers. C'est, en définitive, la procédure la plus lourde qui a ainsi été retenue ;

le maintien du critère financier tel qu'il a été défini, malgré la demande de l'ADF de prendre en compte prioritairement des critères territoriaux, est fortement pénalisant pour les collectivités. En effet, le montant de la redevance devra être voté en assemblée délibérante, conformément à ce que prévoit le Code général des collectivités territoriales. Il sera donc rendu public et aura un caractère inégalitaire face aux autres candidats, notamment les opérateurs privés, qui n'ont pas cette obligation ;

l'échelon régional, pour l'attribution des fréquences, pénalise également fortement les collectivités infrarégionales. En effet, les Départements qui présentent une candidature isolée n'auront pas ou peu de chances d'obtenir une fréquence. Seul un portage par la Région peut avoir des chances d'aboutir. À partir du moment où l'on fait cette analyse, quelques questions se posent inévitablement. Dans quel cadre juridique peuvent se regrouper les collectivités d'une même région pour obtenir une licence régionale ? Les délais prévus permettront-ils de monter une structure ad hoc ? Dans l'hypothèse où une Région obtient une licence, dans quel cadre juridique peut-elle céder ou sous-louer légalement aux collectivités infrarégionales tout ou partie de la licence qu'elle détient ? Je peux dire ici, ce n'est pas un secret, que le président de l'ADF a adressé, le 15 septembre dernier, un courrier à l'ensemble de ses collègues présidents de Conseils généraux, les incitant à déposer une lettre d'intention avant le 14 octobre prochain, ainsi qu'à se rapprocher des autres niveaux de collectivités pour augmenter les chances d'éligibilité des dossiers de candidature. Je citerai un exemple, pour une Région que je connais bien, la Région Rhône-Alpes où, à ce jour, à ma connaissance, sept Départements sur huit ont formalisé leur accord auprès de la Région pour initier une démarche commune.

le quatrième argument que je veux développer à l'appui de ma thèse selon laquelle la procédure retenue par l'Arcep va désavantager les collectivités est le contenu du dossier de demande à remettre à l'Arcep. Il semble peu compatible avec la procédure de mise en œuvre des collectivités. Il apparaît ainsi difficile à une collectivité qui n'a pas l'intention de déployer et d'exploiter directement un réseau BLR de répondre de manière détaillée à cette partie du dossier. On sait bien - et cela a été dit ici-même, aujourd'hui, par un certain nombre des collègues qui m'ont précédé à cette tribune - que les collectivités envisagent le plus souvent de conduire la mise en œuvre de leur projet sous forme d'une délégation de service public concessive. Dans ce cas, c'est bien le candidat délégataire qui propose les modalités technico-économiques optimales de déploiement. Par ailleurs, la fréquence doit être utilisée dans un délai de vingt-quatre mois, sous peine de devoir la rendre. Or la procédure de passation d'une DSP suivie d'une première étape de mise en œuvre peut dépasser ce délai pour une collectivité qui ne serait qu'en phase d'étude préliminaire.

J'en conclus qu'il apparaît peu probable de voir une collectivité attributaire d'une autorisation. Je ne sais pas si le courrier est déjà arrivé à l'Arcep, mais le président Lebreton vient d'adresser à ce sujet un courrier tant au président de l'Arcep qu'au ministre délégué à l'Industrie pour rappeler que, contrairement aux conclusions de la mission Labetoulle, que j'ai évoquées très brièvement, les collectivités se retrouvent pénalisées par les modalités d'attribution retenues, à la fois par les critères d'attribution - notamment l'aspect financier - et par l'échelle géographique régionale. Je redoute que les collectivités ne soient pas au rendez-vous de cette procédure essentielle d'attribution de ressources rares, indispensables à l'aménagement du territoire. C'est vraiment ce qui nous mobilise, à l'Assemblée des Départements de France, et notamment les départements déjà exclus de la concurrence. Je représente un Département qui est dans ce cas, ceci un an après le vote de l'article L.1425-1, qui leur donne pourtant le statut d'acteur à part entière du secteur des communications électroniques.

Monsieur le Président, mesdames et messieurs, je pense avoir été relativement bref, et j'espère que mon intervention fera réagir plusieurs d'entre vous, notamment madame Gauthey, puisque nous avons eu déjà l'occasion d'échanger à ce sujet en aparté.

Patrick VUITTON, Avicca

Merci Michel TESTON. Tout à l'heure, madame Gauthey aura la redoutable tâche de vous répondre, mais je retiens en tout cas que, si vous contestez les modalités, vous vous inscrivez en même temps dans une candidature, parce que c'est important pour vos projets.

Bernard BROUILLE, vous êtes Vice-président de Dorsal, le syndicat mixte qui réunit le Limousin, trois Départements et quatre agglomérations. Vous êtes Vice-président du Conseil général de Haute-Vienne et vous avez déjà un délégataire qui vous a répondu pour mettre en œuvre votre projet, et qui utilise le WiMax. Pour vous, cette question de licence est donc importante, j'imagine.

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