Numérique / Territoires

Un cadre global pour faire passer la France au très haut débit Novembre 2007

Résumé :

Le 27 novembre 2006, le Ministère de l'Industrie lançait un "plan d'action du très haut débit", composé de 15 mesures, qui visait "principalement à établir un cadre favorable à l'investissement des opérateurs".

La plupart de ces mesures sont encore à l'étude, d'autres vont déboucher prochainement (voir bilan).

Le cadre pour faciliter l'investissement des opérateurs va s'améliorer, on ne peut que s'en féliciter. Mais il rouvrira une nouvelle fracture numérique, en bénéficiant aux zones très denses.

Les collectivités agissent, avec plus de 1,7 milliards d'euros d'investissements. Elles avaient également demandé d'autres mesures, qui n'ont pas figuré dans le plan d'action :

  • la connaissance des réseaux
  • la péréquation financière
  • l'articulation avec la politique audiovisuelle

D'autres lacunes sont apparues, comme l'absence de prise en compte dans la politique de rénovation urbaine.

C'est le moment de dessiner un cadre global, une réflexion et des actions pour tout le territoire national. L'Avicca espère qu'une relance du Forum pour le très haut débit permette de mettre ces questions enfin en discussion, dont l'ampleur nécessite sans doute un cadre interministériel.

Communiqué complet :

Le 27 novembre 2006, le Ministère de l'Industrie lançait un "plan d'action du très haut débit", composé de 15 mesures, qui visait "principalement à établir un cadre favorable à

l'investissement des opérateurs".

La plupart de ces mesures sont encore à l'étude, d'autres vont déboucher prochainement. Les labels (logement multimedia, zone d'activités très haut débit) sont attendus. On peut regretter le glissement significatif dans les délais ; mais le passage généralisé au très haut débit n'est pas un cent mètres , c'est un marathon.

Le premier changement significatif en cours n'était pas prévu dans ces 15 mesures : l'ouverture régulée du génie civil de France Télécom. Poussée par la plainte de Free au Conseil de la concurrence, prônée activement par l'ARCEP, facilitée par le nouveau cadre des directives européennes, cette ouverture régulée va rapprocher les conditions de déploiement de tous les opérateurs, du moins quand elle sera opérationnelle. Ceci aura un impact favorable sur les zones très denses.

L'autre changement nécessaire, la mutualisation effective dans les immeubles, nécessitera sans doute une intervention législative.

Cependant les collectivités avaient également demandé d'autres mesures, qui n'ont pas figuré dans le plan d'action. Il n'existe en effet, pas de réflexion d'ensemble pour assurer la transition de la grande majorité du territoire vers le très haut débit. La seule action des opérateurs privés ne le permettra pas.

L'AMF, l'ADF, l'ARF et l'AVICCA étaient intervenues conjointement en juin 2006, notamment autour de trois axes :

  • la connaissance des réseaux pour agir,
  • la péréquation financière pour ne pas recréer une très profonde fracture numérique,
  • l'articulation avec la politique audiovisuelle.

Si les collectivités peuvent envisager d'intervenir dans les zones de moyenne ou forte densité, il n'est pas possible de laisser les territoires les moins denses face à cette nouvelle fracture numérique.

La connaissance des réseaux pour agir

Les collectivités sont responsables de l'aménagement numérique de leur territoire. Il leur faut anticiper sur les besoins de demain et rattraper les exclus d'aujourd'hui. Mais elles n'ont toujours pas droit à la connaissance des tracés et caractéristiques des réseaux existants. Pour les zones blanches, comme pour le très haut débit, il faut un droit à l'information. Quelles sont les caractéristiques des lignes pour connaître les débits possibles ? Quelles sont précisément les zones desservies, correspondent-elles aux localisations des équipements publics, des zones d'activité ? Y a-t-il des fourreaux vides ?

La loi permet cette connaissance. Il manque un simple décret d'application.

Mais il faudrait aussi, ce qui n'est pas prévu, que l'accès aux fourreaux et poteaux soit régulé sur les artères de transport et les zones rurales, où les tarifs prohibitifs freinent le déploiement de meilleurs débits.

La péréquation financière pour ne pas recréer une très profonde fracture numérique

Généraliser le haut débit coûtera aux collectivités entre 500 millions et 1 milliard d'euros ; le plan haut débit pour tous a nécessité un investissement d'un milliard d'euros à France Télécom pour couvrir 20% de la population et le haut débit pour tous... ceux qui restent (moins de 2%) coûtera pratiquement autant.

La facture de la fracture pour le très haut débit sera encore plus lourde.

A titre d'illustration :

  • Paris n'a pas besoin d'argent public pour être couvert,
  • les Hauts-de-Seine ont lancé une procédure pour subventionner le déploiement d'une infrastructure mutualisée pour un maximum de 70 millions d'euros,
  • la région Ile-de-France a chiffré, en première estimation, à un milliard d'euros le financement public nécessaire pour compléter la couverture d'initiative privée, essentiellement la deuxième couronne.

Quid d'une région moins dense, au potentiel fiscal plus faible ?

Il faut créer un fonds de péréquation au plus vite.

L'articulation avec la politique audiovisuelle

L'existence du Comité stratégique pour le numérique, qui pour la première fois a pour objet d'articuler des politiques sur les communications électroniques et l'audiovisuel, a permis une avancée majeure, pour préserver une bande de fréquences du "dividende numérique" dans le cadre des négociations internationales. Même si la bande est de taille réduite, même si elle n'est pas affectée encore et ne se libérera pas de suite, il s'agit d'une mesure importante.

Par contre on ne peut que s'inquiéter des déclarations sur la multiplication des chaînes haute définition en TNT sur de nouvelles fréquences, dès l'année prochaine.

Il faut arrêter de gérer politiquement les réseaux d'un côté, les contenus et services de l'autre. Va-t-on recommencer le "plan" câble, lancé juste avant la création de chaînes hertziennes gratuites et payante, avec un désastre au bout ?

Les constructeurs de réseaux très haut débit ont besoin de la demande solvable pour la télévision haute définition, pour financer le déploiement si l'on veut sortir des seules zones hyperdenses. Les éditeurs de chaînes pourraient fournir des services plus riches qu'en hertzien, en utilisant des réseaux très haut débit, bidirectionnels, évolutifs, mais à condition d'avoir des garanties de ne pas passer sous les fourches caudines d'une poignée d'opérateurs puissants.

Il faut chercher une économie globale, et ouverte, plutôt que de pousser à l'intégration verticale entre détenteurs de réseaux et de contenus.

Un cadre global est nécessaire

Il reste encore de nombreuses lacunes : il faut par exemple prendre en compte la problématique du très haut débit dans la politique de rénovation urbaine.

Le cadre pour faciliter l'investissement des opérateurs va s'améliorer, on ne peut que s'en féliciter. Mais il rouvrira une nouvelle fracture numérique, en bénéficiant aux zones très denses.

Le très haut débit jusqu'à l'usager est aussi devenu une composante des réseaux des collectivités (CA Pau, Sipperec, Sicoval, Grand Nancy, Grand Angoulême, Manche Numérique, Rennes Métropole, projets des Hauts-de-Seine et de Débitex...) et de l'action sur les infrastructures publiques (Paris, Montpellier, Valenciennes...). Les 78 premiers réseaux de collecte d'initiative publique, représentant 1,7 milliards d'euros, serviront de base à une extension vers le très haut débit, ouvert à tous les opérateurs.

C'est donc le moment de dessiner un cadre global, une réflexion et des actions pour tout le territoire national. L'Avicca espère qu'une relance du Forum pour le très haut débit permette de mettre ces questions enfin en discussion, dont l'ampleur nécessite sans doute un cadre interministériel.

Paris, le 23 novembre 2007

Martial GABILLARD

Président de l'AVICCA

A cette date, l'Association des Villes et Collectivités pour les Communications électroniques et l'Audiovisuel regroupe 57 Villes, 35 Communautés urbaines ou d'agglomérations, 16 syndicats de communes, 25 structures départementales et 7 régionales, impliquées dans l'aménagement numérique de leurs territoires, soit 39.800.000 d'habitants sur 73 départements différents.