Numérique / Territoires

Plan numérique pour l’éducation : les chiffres et les lettres Mars 2016

Comment s'organise une politique réussie de développement massif des usages partout en France ? Les responsables de l’Education nationale, les industriels du numérique et les représentants des collectivités ont répondu à cette question, lors de la première plénière du salon Educatec Educatice, le 9 mars à la Porte de Versailles. Si, côté ministère, le directeur du numérique pour l'éducation, Mathieu Jeandron, s’est appuyé sur les quatre piliers du plan présidentiel (formation, ressources, équipement et innovation), les éditeurs, équipementiers et territoriaux ont montré ses failles. Derrière les effets d’annonce, des limites quantitatives, organisationnelles, partenariales et financières apparaissent.

Suivi du plan à la lettre

« La réussite scolaire ne se fait pas en cinquième mais réellement dès la fin de la maternelle », a lancé Sébastien Brulé. Le directeur général France, Afrique et monde francophone de Promethean a souligné le faible taux d’équipement en TBI et vidéoprojecteurs (à peine 20%), par rapport au Japon ou à la Chine. « Ce qui manque, c’est toujours un déploiement massif », a confirmé Hervé Borredon. Le président de l'Afinef et fondateur d’ITOP s’est dit « toujours très enthousiaste et toujours déçu par les annonces des plans ». Des plans qu’Hélène Marchi a regardé « s’empiler depuis une dizaine d’années ». La directrice de l'Education chez Intel n’en « pouvait plus des pilotes ». Elle s’est réjouie du changement d’échelle prévu même si, pour elle, il manque encore « un projet qui fasse que l’on soit tous alignés ». N’est-ce que le chœur habituel des adeptes du « toujours plus » ? Non, car les industriels ont dit rester optimistes et confiants en constatant les initiatives locales foisonnantes. Ils semblent cependant inquiets qu’il n’y ait pas d’homogénéité de l’approche sur tout le territoire. Pour eux, la décentralisation complique les relations entre revendeurs (280 pour Promethean !) et autorités locales. Ils ont reconnu « la collaboration très constructive avec l’ensemble des acteurs, collectivités comme ministère ». Ils souhaiteraient cependant que leur secteur, « à la capacité d’innovation sans équivalent dans le monde », dixit l’AFINEF, soit mieux représenté au sein du comité des partenaires nationaux.

Vers une vérité des chiffres

« C’est important que ça se passe au niveau national mais aussi au niveau local », a abondé Jean-Pierre Quignaux. Le conseiller innovation de l’ADF « n’est pas sûr qu’il faille rester avec les régions pour les lycées, les départements pour les collèges, les communes pour les écoles… ». Il a plaidé pour un continuum éducatif qui devrait permettre des économies de moyens, notamment humains (sur la maintenance, par exemple). Cette piste des bassins d’éducation avait été formulée dans le rapport de Claudy Lebreton (« Les territoires numériques de la France de demain »), dès septembre 2013. Jean-Pierre Quignaux a aussi alerté sur le contexte financier contraint dans lequel se déroule cet élan numérique : 17 départements étaient en difficulté pour équilibrer leurs dépenses, notamment au niveau social, l’an dernier, et probablement une quarantaine cette année. Heureusement pour le numérique et l’éducation, les départements acceptent de « tout faire pour pouvoir suivre ». Encore, faut-il une vérité des chiffres. « 380 euros annoncés par tablette pour un équipement individuel : ben non, ce n’est pas ça ! », s’est-il enflammé. Il faut y ajouter une refonte des réseaux de communication interne (câblage, systèmes de Wi-Fi performants,…) dont les coûts ne sont pas pris en compte par l’aide de l’Etat (un euro pour un euro, selon la formule du président Hollande). « Ce qui se passe c’est que ceux qui ont déjà avancés sont en train de profiter du plan pour avancer encore plus vite alors que d’autres n’ont toujours pas bougé », a prévenu le conseiller. Une politique réussie de développement des usages et de déploiement massif des équipements doit évidemment éviter que de tels écarts ne se creusent. Peut-être faudrait-il aussi « se poser la question de savoir si on continue à prendre en charge l’équipement des élèves ? », a-t-il conclut. L’AVICCA prépare d’ailleurs une étude sur les déploiements des infrastructures réseaux dans les établissements : un socle incontournable et un investissement plus pérenne.