Numérique / Territoires

Les temps forts du TRIP d'automne 2019 Novembre 2019

Ouverture par Patrick Chaize, Président de l'Avicca

Patrick Chaize a souligné plusieurs urgences auxquelles répondre, comme gages de déploiement et de pérénnité des réseaux : la formation aux métiers de la fibre, la résilience des réseaux mise à mal par le mode STOC, la juste tarification des prises FttH, en appelant au recours au FANT.
En perspective de l’extinction du cuivre, il a souligné la nécessité d’expérimenter la transition en douceur du réseau téléphonique vers la fibre ; mais cette transition doit se faire au plus vite, de façon uniforme, tant en zone d’initiative privée que publique.
Parmi les points d’urgence évoqués, le marché professionnel, avec le risque de "non-assistance à concurrence en danger sur le marché des télécoms entreprises".
La couverture mobile, dont les sites 2G et 3G migrés vers la 4G sont essentiellement en zones urbaines et périurbaines, a été un nouveau sujet d'attention.
Le Président a salué la réouverture du guichet FSN radio, tout en relevant l’absence de nouvelles autorisations de programme, en contradiction avec le volume des demandes à venir pour le reste à faire (3 millions de lignes sur 25 à 27 départements).

Intervention de Julien Denormandie, Ministre auprès de la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités territoriales, chargé de la Ville et du Logement

Julien Denormandie a réaffirmé l’importance d’avoir un cadre sécurisé et contraignant et de l'action collégiale pour tenir le rythme de déploiement, soulignant les 4 millions de prises déjà raccordables en 2019 et les 1,3 million de prises prévues avec les AMEL.
Il est revenu sur la mise en place du guichet ”cohésion numériques des territoires” (100 millions d'euros) et les solutions technologiques pour atteindre les échéances de 2020 (bonne couverture) et 2022.
Il est intervenu sur la sécurisation des déploiements pour la zone AMII et en zone rurale avec les RIP (1,9 milliard d'euros engagés depuis 2017 ; 260 millions d'euros supplémentaires depuis octobre 2019) et les mesures de simplification avec l’arrêté Enedis.
Il a mis en perspective le changement de paradigme pour le déploiement mobile, avec le New Deal et ses engagements contraignants qui ont déjà permis la bascule en 4G de 5111 communes.
Concernant la réouverture du guichet FSN et son abondement, 140 millions d'euros sont disponibles au titre du reliquat, mais il reste une difficulté technique budgétaire à surmonter pour évaluer les sommes réelles à allouer en fonction de celles qui seront dépensées pour les projets en cours. La MTHD doit sortir un cahier des charges pour offrir plus de visibilité sur ce point aux collectivités.
Enfin, il a conclu son intervention sur les usages qui, désormais, tendent à supplanter la question des infrastructures et les attentes des citoyens, et a souligné l’action du gouvernement pour lutter contre l’illectronisme et la place des collectivités dans les dispositifs existants.

L'Observatoire des RIP

L'Avicca relève l’augmentation des procédures complémentaires afin d’atteindre le 100% FttH, qu’il s’agisse de phases 2 de marchés publics ou de procédures ayant recours à l’investissement privé (hors ZAMII et ZTD). 27 départements restent cependant avec des prises non financées par l'Etat.
Si la réouverture du guichet est une première étape pour ces départements, il reste à quantifier les fonds nécessaires pour ce restant de prises, estimés à 622 millions d’euros.
Les fonds n’ont pas à être appelés immédiatement en leur totalité : 20 départements sur les 27 sont prêts à déposer, d'ici fin 2020, un dossier de demande de financement auprès du guichet réouvert.
Pour ces 20 départements, 462 millions d’euros sont nécessaires. Or comme il existe un reliquat du PFTHD s'élevant, à date, à 140 millions d'euros, les nouvelles autorisations de programme nécessaires s'élèvent à 322 millions d’euros.
Grâce aux RIP, la filière dans son ensemble sera intensément mobilisée jusqu’en 2025.

TR1 - La commercialisation du FttH sur les RIP : un modèle à part ?

Concernée au premier chef par la réouverture du guichet, Juliette Jarry, vice-présidente déléguée aux infrastructures, à l'économie et aux usages numériques de la région Auvergne-Rhône-Alpes a jugé "très largement insuffisant" le coup de pouce de 140 millions d'euros annoncé par le gouvernement. Les territoires "défricheurs" sur la fibre optique, ceux qui ont pris le plus de risques en répondant les premiers à l'appel de l'Etat pour investir dans le FttH, ne doivent selon l'élue pas être pénalisés par les choix de l'exécutif. Et ce, alors même que la commercialisation sur les RIP prend son envol, comme l'a souligné le représentant de TDF. Après être revenus sur les particularités de la commercialisation des offres grand public sur les RIP, Axione et Bouygues Telecom ont été interrogés sur le marché professionnel des télécoms, qu'une audacieuse synthèse des propos tenus pourrait qualifier ainsi : une boucherie préhistorique !

TR2 - 4G, 5G, THD Radio : la nouvelle donne de l’hertzien

La deuxième table ronde de ce colloque visait à établir un point sur les réseaux mobile et autres solutions hertziennes terrestres alternatives à la fibre optique. La présentation de l’avancement du New Deal mobile n’a pas réussi à convaincre les collectivités présentes que les opérateurs seraient bien au rendez-vous des premières échéances du dispositif de couverture ciblée notamment, malgré le discours rassurant du gouvernement et des opérateurs sur cette question. Et les perspectives de premiers déploiements de la 5G,  présentées par l’Arcep, montrent que les territoires en mal de réseaux filaires de qualité ne seront pas les premiers à être couverts par cette technologie complémentaire. Les réseaux THD Radio, conçus spécifiquement pour apporter un service fixe aux territoires en mal de solutions filaires, en profitent pour tirer provisoirement leur épingle du jeu, grâce au prolongement du guichet dont la fermeture était programmée pour 2019, comme l’a rappelé le représentant de Nomotech. Enfin, le vice-président de la région Bourgogne-Franche-Comté a pu apporter son témoignage sur ces différents sujets, grâce aux retours d’expériences sur diverses technologies déjà mises en œuvre. Les attentes restent donc nombreuses quant au « mix technologique », qui sera d’autant plus indispensable que les déploiements de la fibre sont susceptibles de connaître des retards, comme évoqué au cours d'autres temps forts de ce colloque.

TR3 - Engagements de déploiements privés

Les déploiements FttH sont aujourd'hui massifs, les participants à la troisième table ronde (Engagements de déploiements privés : 100% de complétude avec 0% de fonds publics ?) l'ont tous confirmé. Nous avons d'ailleurs compris de ce TRIP que nous devrions avoir une belle surprise pour le troisième trimestre 2019. Le représentant de la Métropole Européenne de Lille a cependant ramené les participants à la table ronde à la dure réalité du vécu sur le terrain : absence de complétude, échec de raccordements, questions du raccordable sur demande et des raccordements complexes... Le sujet de la complétude des déploiements des opérateurs privés reste ainsi, malgré ces déploiements massifs, prioritaire sur les zones que ceux-ci se sont librement engagés, à plusieurs reprises, à rendre intégralement raccordables. Le gîte de haute montagne, repoussoir de la complétude FttH à 100%, était une nouvelle fois à l'honneur des débats sur les engagements de déploiements privés avec 0% de fonds publics. Arbre qui cache la forêt de l'ensemble des raccordements que certains acteurs privés aimeraient bien s'épargner de desservir, le gîte de haute montagne ne serait pas traité de la même manière selon les opérateurs. Avec facturation des surcoûts aux clients pour les uns, sans traitement différencié par rapport à la ZTD et à la zone AMII pour un autre. La question à peine subliminale du subventionnement par la puissance publique a été une nouvelle fois mise sur la table. Mais au final, nous ne saurons toujours pas quelle est la définition exacte d'un raccordement exceptionnellement coûteux. En attendant une réponse pour un prochain TRIP, on en restera aux gîtes de haute montagne, ce qui limite drastiquement le nombre de raccordements qui devraient poser des problèmes : il existerait quelques centaines de tels gîtes sur l'ensemble du territoire national, dont la grosse majorité - un peu moins de 400 - dans les massifs alpins.

TR4 - Nouveau cycle de régulation et transposition du CECE

Si nous ne savons donc toujours pas ce qu'est précisément un raccordement exceptionnel, nous savons désormais comment arrêter puis déposer un réseau téléphonique cuivre. L'exposé particulièrement démonstratif d'Orange a permis de prendre la mesure du chantier qui attend l'opérateur historique et ses clients. Mais ce chantier concernera également les collectivités locales, ne serait-ce que pour aider à l'information et à l'accompagnement des particuliers qui devront quitter le réseau cuivre. Les prochaines analyses de marché seront essentielles pour encadrer cette évolution essentielle. Si la question de la marche vers l'extinction du cuivre paraît être consensuelle, nous avons pu constater en revanche une différence d'approche entre Iliad/Free et Orange s'agissant des modalités tarifaires de cette extinction annoncée. L'occasion également de voir abordée la question essentielle de la tarification du FttH, sur laquelle Iliad/Free et le régulateur étaient particulièrement attendus. Le mode STOC - très à la mode lors de ce TRIP d'automne - a également à nouveau été abordé avec des approches très différentes sur ce que chacun entend par "sous-traitant". Sujets sur lesquels le président de la SPL Nouvelle Aquitaine THD est revenu, avec force exemples concrets pour mettre en exergue les limites opérationnelles de certaines décisions nationales.

TR5 - E-inclusion : comment articuler initiatives locales et plan national ?

Comme l’ont rappelé, en ouverture du TRIP, le ministre Julien Denormandie et le président de l’Avicca, Patrick Chaize : avec l’absence de réseaux fixes et mobiles de qualité, l’accès accompagné aux usages et services constitue bien aussi une urgence numérique. 17% de la population française, soit un Français sur six, sont touchés par l’illectronisme (source INSEE Première d’octobre 2019). Un an après l’annonce du plan « Pour une France connectée », un an jour pour jour après un atelier sur le sujet lors du TRIP d’automne 2018, trois collectivités ont présenté leurs initiatives de mise en place de tiers-lieux pour acculturer leurs populations rurales comme urbaines. Sur l’agglomération Grand Paris Sud, 23 villes, plus de 50 ateliers et associations d’apprentissage sociolinguistique, ainsi que 30 médiathèques se mobilisent pour un dispositif de repérage et de suivi de 60 000 personnes potentiellement concernées par l’apprentissage du français et l’illectronisme. A la communauté de communes Champagne Picarde, un tiers-lieu hybride baptisé « faitout numérique » associe crèche, espace de coworking, maison de service au public, espace de formation, maker space… La région Bourgogne-Franche-Comté a identifié 80 lieux d’accompagnements des usages numériques, dans le cadre de sa SCORAN. Territoires d’action pour un numérique inclusif, également lauréat Hub France Connectée, elle fait de ce sujet une priorité régionale. Côté Etat, Orianne Ledroit, ex-directrice de la Mission Société Numérique, désormais conseillère Inclusion, Territoires et Entrepreneuriat social numérique du secrétaire d’Etat Cédric O a conclu les débats en présentant à nouveau les initiatives, outils et ressources coordonnées au plan national : chèques Pass numérique, Hubs France Connectée, Fabriques numériques, Aidant connect.

L’Avicca se réjouit que ce sujet soit à nouveau au premier plan. En revanche, l’association regrette les appels à projets incessants qui créent des effets d’aubaines pour quelques territoires mais ne structurent pas une politique publique pérenne pour toutes les collectivités, notamment les plus petites ou les moins riches... L’acculturation des populations est le gage d’une véritable stratégie de territoire intelligent, avec le FttH, les capteurs et réseaux LPWAN, les data centers de proximité, l’ouverture des données accompagnée de mesures de cyber-sécurité et bien sûr de l’éducation numérique.

Atelier Mutualisation

Somme Numérique : « La mutualisation des services se fait sans transfert de compétences, et c’est affaire de se parler. Il faut trouver quelles sont les compétences non développées chez nos adhérents, qui leur sont communes et dans une démarche transparente c’est-à-dire en montrant les coûts tels qu’ils sont. Dans la Somme, les tarifs se basent sur une analyse des coûts, forcément plus bas du fait de taille du marché, mais aussi de choix politiques où ceux qui ont davantage de moyens paient un peu plus que les autres. C’est une originalité qui doit être défendue, cela crée une solidarité territoriale. Nous croyons beaucoup à la collaboration entre structures publiques. »
 

Gironde Numérique : « La mutualisation est un projet de territoire. Il faut prendre en compte l’existant, ne pas être en concurrence avec d’autres acteurs publics. Le rôle de Gironde Numérique est davantage celui d’un intégrateur et de promotion de ce qui a déjà été fait pour que tout le monde utilise les mêmes outils au lieu de revenir sur des points qui ont déjà été discutés et pensés. »

« Le datacenter est essentiel. La donnée publique est l’un des grands sujets d’avenir, être maître de ses données est fondamental pour une collectivité. Gironde Numérique a investi en premier sur les compétences, les serveurs et unités de stockage. Le modèle économique est très simple : chaque collectivité a accès à tout le catalogue de services (une trentaine) et l’unité de facturation, c’est le volume d’utilisation du datacenter. »

« Nous sommes 100% publics et 100% open source. Cela fait partie de la maîtrise des outils et de la donnée publique ».
 

Association DECLIC : « Quand on veut rencontrer la CNIL, si nous nous présentons en tant qu’ADICO, Gironde ou Somme Numérique, c’est assez compliqué. Si on se présente comme une structure fédérant une quarantaine d'opérateurs de services numériques mutualisés, la réponse est « quand peut-on se voir ? quels sont la date et l’horaire qui vous conviennent le mieux ? ». A l’inverse, pour les ministères, les agences nationales, etc., DECLIC est un relais vers les territoires. »

«  Aujourd’hui, il faut accompagner au plus près les collectivités sur les usages. Le rythme des réformes est impressionnant, c’est un constat. Si vous prenez tous les métiers des collectivités locales, un secrétaire de mairie dans une petite ou moyenne collectivité ne peut plus suivre : soit on accepte qu’il y ait un décrochage, soit on considère que toutes les collectivités doivent avancer et dans ce cas, cela doit passer par de la mutualisation, quelle que soit la forme juridique de la structure porteuse. »

SIEL 42 : « Dans une métropole, la gestion des éclairages justifie un service en lui-même mais lorsque vous êtes dans une commune de 300 habitants avec un seul feu rouge, 10 lampadaires et une cuve de fioul à vérifier, ce n’est pas possible. C’est là qu’un des intérêts de la mutualisation intervient : la même infrastructure doit accepter des capteurs de type différents. Une telle plateforme permet de mutualiser l’ingénierie (l’hypervision technique), le réseau, les abonnements, les process techniques… » 

Patrick Vuitton : « Le bon côté des GPS de type Waze et Google est qu’ils vous permettent d’éviter les encombrements. Le mauvais côté pour la collectivité et les riverains est qu’ils ignorent les plans d’aménagement et peuvent faire passer des centaines de voitures devant une école, sur une zone à 30 km/h. Et là, la collectivité peut mettre tous les panneaux de direction qu'elle veut, ils deviennent inutiles. Pour le moment, il n’y a pas de lieu de discussion pour dire à ces opérateurs de ne pas faire passer le trafic sur cette voie. »

« Pour maîtriser la transformation digitale, il faut maîtriser les réseaux sociaux, les données, l’intelligence artificielle, les outils de mobilité, l'hébergement et la sécurité. Et tous ces milieux évoluent très rapidement. Il faut des spécialistes dans chacun des secteurs. Sans mutualisation cela va être très compliqué… ». 

« L’important dans la construction des plateformes pour construire un territoire intelligent est de ne pas reproduire sur les plateformes les silos que l’on trouve dans les collectivités. La complexité de la structure de mutualisation est de faire fonctionner ensemble tous les silos de toutes les collectivités. Les silos ne sont pas des obstacles, ils peuvent être des secteurs moteurs comme l’éclairage public où il y a une économie significative au bout. Il faut trouver des leviers, les secteurs où il y a des retours rapides soit financiers, soit qualitatifs, et démarrer avec eux. »

Atelier T.Dat'Hack, l'hackathon de l'aménagement numérique des territoires

Hackathon de l'aménagement numérique du territoire, c’est parti ! L’Atelier T.Dat’Hack a réuni autour de l’Avicca une communauté d’une cinquantaine de structures. Si l'open data dans les télécoms ne part pas de rien, les attentes sont fortes pour faciliter la circulation des données, en améliorer la qualité, la complétude et en faire un véritable levier de transformation des territoires. Cette ambition est partagée, la volonté de travailler ensemble également : du côté des grands acteurs institutionnels (Arcep, ANFR), comme des collectivités (OpenDataFrance, Rennes Métropole…) et des réutilisateurs (OpenStreetMap, Koumoul, NextInpact, eTerritoires).

Lors du hackathon, les participants travailleront sur 3 thématiques, des données locales et nationales. Objectifs : analyser les données, formuler des recommandations, produire des représentations. Seront abordés le WiFi territorial (DataSud, Tours Métropole), le New Deal mobile (Eure-et-Loir, Anjou Numérique) et la fibre professionnelle pour les entreprises (Loire). Opendatasoft mettra à disposition sa plateforme technique pour permettre aux équipes d'analyser et de croiser les données. Certains jeux de données sont déjà ouverts, d’autres seront mis à disposition pour l'occasion, pseudonymisés si besoin. Les équipes sont en cours de constitution : une moitié des participants attendus sont déjà inscrits. Prochaine échéance : ‪le 20 décembre pour finaliser ce "datathon", soutenu par la Banque des Territoires et le Groupe La Poste. Rendez-vous à La Paillasse (Paris), les ‪31 janvier et ‪1er février pour 24 heures (12 heures effectives) de réflexion, de création et de convivialité. Les territoires sont donc plutôt Dat’Hack !