Numérique / Territoires

Le BYOD*, est-ce vraiment le plan d’après ? Octobre 2017

Les élèves ne se déplacent plus pour "faire de l'informatique".

Le plan numérique pour l’éducation de la précédente mandature prévoyait qu’en 2018 tous les collégiens devaient être équipés d’un terminal informatique. Le projet a souffert de retards car les planètes n’étaient pas toutes alignées : finances non extensibles des collectivités locales, retard dans la formation des équipes, ressources éducatives incomplètes… Si certains départements continuent en ce sens, plusieurs ont fait marche arrière après avoir testé l’équipement individuel. Ils sont passés sur des formats de classes mobiles, qu’il s’agisse de tablettes ou d’ordinateurs. Quels que soient les choix et les étapes de déploiement, il ne fait pas de doute que les référentiels d’équipement évoluent vers des terminaux mobiles : des machines qui viennent dans la classe, pour un usage ponctuel, plutôt qu’un déplacement des élèves vers des salles dédiées. L’élève est bien entré dans l’ère du numérique et ne se déplace plus pour « faire de l’informatique ».

L’équipement un terminal pour un élève le (1:1) qui permet un accès immédiat aux ressources, reste l’objectif ultime. Toutes les métaphores sont possibles pour plaider en sa faveur : du crayon, à la calculatrice, en passant par le manuel, on n’imagine plus un élève partageant son stylo, son livre scolaire ou sa calculette. Pourtant, même si les coûts d’acquisition des terminaux diminuent (Google avec son Chrome s’y emploie activement), les collectivités s’interrogent légitimement : est-il raisonnable de continuer à équiper massivement les établissements alors que les élèves le sont de plus en plus à titre personnel ?

Des autres arguments autres que financiers abondent, en outre, en faveur du modèle où l’élève apporte son propre équipement. « Dans le BYOD, c’est le O qui est important » selon Serge Pouts-Lajus. Un élève oublie de fait rarement de recharger son téléphone portable, car il y va de sa propre connectivité. Le même raisonnement peut être tenu pour des outils plus propices à l’apprentissage que le téléphone portable. De plus, puisque c’est le sien, il en prend soin, il sait le manipuler, le réparer, il connaît son fonctionnement très particulier... : l’élève est très familier de son outil puisqu’il fait plein d’autres choses avec et qu’il en explore notamment les limites avec ses pairs. L’enseignant, lui, est donc théoriquement déchargé des aspects techniques et fonctionnels, et devrait se sentir libéré d’autant de freins. 

A l’opposé, les équipements fournis par la collectivité placent les enseignants dans un cadre rassurant : les professeurs maîtrisent les accès et les contenus. L’appropriation par les enseignants volontaires, mais pas forcément à l’aise avec ces outils, doit se faire dans un cadre « user friendly » et rassurant, où l’utilisation est confortable. C’est notamment l’objet des outils de gestion de classes mobiles où l’enseignant voit tout ce qui se passe sur les tablettes. Ces outils sont compliqués à mettre en œuvre avec le BYOD. Certaines collectivités commencent à s’affranchir de ces plateformes de gestion de parcs, y compris avec les collégiens. Ce qui prouve une certaine maturité, autant de la part des enseignants que des élèves. Les chartes d’utilisation du BYOD dessinent les nouveaux droits et devoirs de chacun, les obligations et les interdictions, par exemple, celles d’un outil disposant d’une carte SIM. 

L’autre question pour avancer, et non des moindres, est celle du nouveau contrat qu’il faudra passer pour s’assurer de l’égalité de traitement de tous les élèves. Qui sera en charge de quoi dans ce nouvel environnement ? La collectivité assure légalement, et depuis 2013, l’achat et la maintenance des équipements informatiques, tandis que l’Etat s’occupe des ressources pédagogiques. Si la participation financière des familles est demandée, il sera nécessaire d’apporter une contrepartie. 

Il reste enfin un point fondamental à cette généralisation du BYOD : c’est celui de disposer d’une offre pédagogique suffisante dans le nuage. Il n’est en effet pas imaginable de faire supporter aux enseignants les problèmes d’incompatibilité des terminaux. « On a beaucoup parlé des ressources mais, pour pouvoir aller vers ce type de dispositif, il faut que les offres en ligne se développent et que l’on sorte de l’adhérence des vieux logiciels qui engorgent tous nos parcs », souligne Xavier Pissot, DSI au département de la Sarthe. Gageons que les grands acteurs des edTech anticipent déjà ce mouvement.

La question pour les collectivités, en particulier les régions, reste alors bien celle du temps de maturation de cet environnement technique : faut-il continuer à équiper individuellement et massivement ou bien plutôt expérimenter cette solution ? La saison 2 du plan, qui dans les derniers épisodes de la saison précédente expérimentait le BYOD, aidera peut-être les collectivités à y voir plus clair. De l’avis général, il n’y a pas d’ « urgence ». Autrement dit, les investissements d’aujourd’hui dans les terminaux restent indispensables. Pourtant, si AVEC (acronyme francisé du BYOD) s’imposait dans les 5 ans comme LE modèle, les dépenses de la collectivité devraient dès aujourd’hui s’orienter davantage vers les infrastructures. Il faudra bien effectivement faire rentrer tous ces terminaux personnels, divers et hétérogènes sur les réseaux des établissements scolaires. Ce qui supposera la reconnaissance du matériel, de son utilisateur, de ses droits, de sa sécurité et de celle de ses données.

L’échelle minimum et pertinente est celle de l’établissement scolaire. Les exemples de BYOD à l’échelle d’un établissement scolaire complet sont encore très rares, y compris à l’international ; citons le lycée LP2I de Poitiers, le GYB en Suisse, ainsi que le département des Pyrénées-Atlantiques qui mène sur un collège une expérimentation qui fera l’objet d’une évaluation.

La région Grand-Est a lancé à la rentrée 2017 un plan BYOD ambitieux qui s’adressera à terme à l’ensemble de ses lycées. Son retour d’expériences sera précieux pour les autres collectivités, notamment au regard de l'échelle de ce déploiement hors normes. 

 

* BYOD : « Bring our own device » est un dérivé de BOYB, bring our own bottle. L'indication BYOB sur une invitation festive en Amérique du Nord précise aux invités qu'ils doivent ramener leur propre bouteille.