Numérique / Territoires

Discours d'ouverture d'Yves ROME au colloque de l'AVICCA Avril 2015

Monsieur le Président de l’ARCEP

Mesdames, Messieurs, vous tous qui oeuvrez pour l’aménagement numérique du territoire,

 

Quatre millions de prises FTTH, six millions de prises rénovées du câble, un taux de pénétration qui augmente vite vers 25%, des offres commerciales qui sont passées de 100 mégabit à un gigabit par seconde. Côté mobile, une adoption très rapide de la 4G, et la 5G en préparation.

Chacun le constate, l’histoire du très haut débit s’accélère, au moins sur les zones rentables. Quant au « très haut débit pour tous », auquel nous tenons, ce n’est plus un simple slogan, encore moins une utopie, c’est un chantier, ou plutôt des chantiers en cours, en profondeur sur le territoire national. Le mouvement se répand, avec 84 départements concernés par des projets déposés auprès de la Mission très haut débit, représentant 6 millions de prises en fibre optique. C’est, disons-le, au moment où la désespérance tend à se répandre, un grand succès, même si, comme tous les chantiers d’infrastructures, il est long, et ne se voit pas immédiatement sur le terrain.

La mise en œuvre de ce grand projet fait surgir des problèmes à résoudre, elle nécessite des réglages. Une trentaine de dossiers de collectivités doivent maintenant signer des conventions de financement. Il ne faut pas de ralentissement administratif, sinon, ce sont les chantiers lancés qui vont se ralentir. Un nouveau cahier des charges doit être publié, avec des mesures en faveur des cibles prioritaires, de la collecte. Il doit aboutir rapidement. Nous avons alerté la DGCL et la DGFIP sur des problèmes lourds concernant les recrutements, l’amortissement financiers des réseaux, et les réponses ne viennent pas. Les collectivités qui interviendront dans le colloque, engagées dans l’action, ne manqueront pas d’illustrer ces questions, et d’autres, plus techniques, qu’il faut traiter rapidement.

Côté opérateurs, Orange annonce vouloir passer à un rythme de construction de 2 millions de prises par an, pour rattraper Numericable SFR vers 2018. Les communes qui ont adhéré à l’ancienne AVICA, l’association des villes câblées, il y a 20 ans, auront deux réseaux très haut débit. Mais les zones à mauvais débit, dans ces agglomérations, attendront-elles 2020 ou 2022 ? Les élus, soyez en sûr, sont déjà interpellés, et à défaut de réponse privée, ils devront agir.

Trois acteurs majeurs investissent aujourd’hui dans le fixe, Numericable SFR, Orange, et les collectivités, avec l’Etat à leur côté. Cela dessine la base d’un accord à trouver : la valorisation effective de cette nouvelle infrastructure. Une valorisation effective pour tous les trois. Il ne faudrait pas que l’un dise que son réseau vaut ce qu’il vaut, mais que les nôtres devraient être achetés 30% moins cher. Et il ne faudrait pas qu’un autre continue à jouer la grande muette. Quel co-investissement pour Orange hors zone AMII et zone très dense, dans son nouveau plan à 5 ans dévoilé aux investisseurs mi-mars ? Silence. Cela ne peut pas durer, sauf si l’opérateur historique souhaite nous laisser en tête-à-tête avec son principal concurrent. Mais je le répète, une base objective d’accord est possible. Il faudra sans doute que l’Etat, actionnaire, architecte du plan, intervienne. Mais également le régulateur, avec le prix du réseau cuivre et l’accès au réseau fibre.

A ce sujet, une mesure est sur la table, la création du statut de « zone fibrée », dans le rapport remis à Axelle Lemaire et Emmanuel Macron. Saisissons l’opportunité de l’inscrire dans la loi, lors du passage au Sénat en avril. C’est la loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques. Le très haut débit pour tous, c’est de la croissance, de l’activité, et de l’égalité des chances économiques sur les territoires.

Autre mesure à prendre, et je m’adresse au régulateur, un changement pour la montée en débit sur cuivre. Les collectivités l’utilisent parce que des opérations urgentes sont nécessaires et que les opérateurs délaissent nos territoires. Et elles payent non seulement la partie fibre, mais le réaménagement du réseau cuivre. A chaque opération, elles versent environ 50 000 euros, qui devraient être inclus au contraire dans le coût du cuivre. Nous subventionnons le cuivre, ce qui diminue notre capacité à vendre la fibre à son juste coût, c’est injuste, et c’est une aberration économique.

Du côté mobile, la compétition entre les opérateurs a abouti à des déploiements plus rapides que prévus pour la 4G. Il ne reste pratiquement plus que la zone dite « prioritaire », les deux tiers du territoire national, qui n’est pas couverte, j’espère que le Président de l’ARCEP me pardonnera cette pique. A défaut de très haut débit, nos territoires peu denses sont quand même couverts à près de 100% par la téléphonie mobile selon les cartes de couverture des opérateurs. Vous avez bien noté que nous sommes le 1er avril. Ces cartes ne représentent pas la réalité pour les utilisateurs.

L’AVICCA a pris position en février, avec l’AMF, l’ADF et l’ARF sur plusieurs axes, j’en cite trois.

  • nous demandons la publication de cartes homogènes, présentant les qualités réelles de couverture, suivant les usages d’aujourd’hui et de demain. L’usager doit savoir, et ainsi relancer une dynamique d’investissements et de différenciation chez les opérateurs.
  • l’attribution prochaine de la bande 700 MHz doit permettre de gagner cinq années sur les obligations de déploiement de la 4G, par rapport aux dernières licences.
  • pour les zones blanches, l’arsenal législatif doit être renforcé afin que les différents accords passés soient respectés.

Le gouvernement a annoncé des mesures en ce sens au dernier comité interministériel, c’est bien, nous attendons leur concrétisation. Les associations de collectivité ont demandé que la résorption progressive des zones blanches se fasse sans financement des collectivités, car nous avons un chantier engagé sur le fixe. En ouvrir un autre, sans aides de l’Etat, ce serait mettre en difficulté les élus des territoires qui sont aujourd’hui les moins bien couverts.

Voilà, j’ai tenté de résumer les actions et les attentes de nombreuses collectivités sur ces sujets, et je voudrais conclure par un mot un peu plus personnel.

 

Les 7 années que j’ai passées en tant que Président de l’AVICCA ont été passionnantes. Dans cette période, le numérique a été consacré comme une composante essentielle de l’aménagement du territoire, le très haut débit pour tous comme une cible que nous devons et pouvons atteindre, et les réseaux d’initiative publique comme un secteur industriel. Je crois que l’AVICCA et ses membres y ont joué un rôle moteur. Nous avons appris les uns des autres, avec nos initiatives, avec nos différences, mais en restant unis, et en constituant un interlocuteur fiable mais exigeant pour les gouvernements successifs, les parlementaires, le régulateur, les services de l’Etat et le secteur privé. Merci aux collectivités de la confiance qu’elles m’ont accordé pour les représenter, à tous ceux avec qui nous avons échangé, partagé, construit.

 

La tâche qui reste à accomplir est immense. Je continuerai, pour ma part, à œuvrer pour notre secteur en tant que parlementaire L’AVICCA regroupe la quasi totalité des collectivités engagées, elle est forte des compétences de ses membres et de son équipe, elle est unie, elle est mobilisée, et je ne doute pas qu’elle continuera à jouer un rôle essentiel dans les années à venir, au service, en définitive, de nos populations, entreprises et services publics.