Numérique / Territoires

Débits internet : arrêter de tromper le consommateur et viser un aménagement durable du territoire Juillet 2013

Le récent comparatif établi par la Commission Européenne a montré que la France était la championne d’Europe du mentir vrai sur les débits réels. En moyenne, ces débits réels ne représentent que 74% des débits annoncés, un taux qui chute à 40% pour les clients de nos opérateurs. Ce constat est d’autant plus inquiétant du fait que la transition vers le Très haut débit nécessite des investissements considérables, alors que le brouillard entretenu n’incite pas le consommateur à opter pour les réseaux offrant les meilleures performances.

La surenchère d’annonces du type "jusqu’à 100 Mbits/s", sans indication des performances réelles de la ligne, va s’intensifier avec la concurrence sur le VDSL2, et obscurcir davantage encore les choix du consommateur. Aussi l’AVICCA demande à l’ARCEP la mise en place d’outils de mesures effectives des débits, et des conditions d’une concurrence loyale ; elle attire également l’attention des associations de consommateurs et de la DGCCRF sur ces questions.

Par ailleurs, les annonces sur l’extension rapide du VDSL2 montrent une fois de plus la logique à l’œuvre pour les opérateurs privés. Les abonnés qui ont déjà du bon débit, avec des lignes courtes sur le réseau historique en cuivre, en auront un meilleur, grâce à un investissement limité. Par contre ceux qui rament pour accéder aux services d’aujourd’hui n’auront aucune amélioration. Vous aviez 10 Mbits ? Vous en aurez 50. Vous en aviez 2 ou moins ? Restez-y, voire supportez les perturbations que l’introduction du VDSL2 pourrait apporter ici ou là. On relèvera qu’aucun opérateur privé n’a l’intention de se lancer dans les investissements énormes qui consisteraient à raccourcir massivement les lignes cuivre pour monter en débit.

Quelques millions de lignes, moins d’une sur six, pourront donc apporter un meilleur débit. C’est tant mieux pour ceux qui en bénéficieront ; mais les autres vont ressentir durement ces inégalités croissantes, et se tourner encore davantage vers leurs élus. C’est la même logique que celle des investissements privés sur la fibre optique : ils se concentrent sur moins de 20% du territoire, laissant de côté tous les autres usagers, ceux qui ont justement besoin d’accéder aux services à distance. Ce n’est pas un paradoxe, c’est la réalité : plus il y a d’action privée, plus la nécessité d’une intervention publique est avérée.

Le standard des meilleures offres Très haut débit est passé à 200 Mbits/s cette année, et le 300 Mbits/s est lancé. Le Gigabit sera là bien avant 2020, très probablement. Les limites des technologies DSL sont patentes sur la voie "montante" ; la fiabilité et la qualité des accès deviendront une exigence de plus en plus forte avec la multiplication des usages (santé, éducation, travail…). L’aménagement numérique doit, certes, traiter les situations d’urgence, mais ne pas oublier l’objectif : construire le réseau qui amènera, pour tous, les services pour les trente prochaines années.

Paris, le 9 juillet 2013

Yves ROME

Président de l’AVICCA