Numérique / Territoires

AFUTT : aujourd'hui, demain, quid du consommateur ? Juillet 2007

1. Quelle définition du très haut débit ?

Il convient tout d'abord de constater que les acteurs du marché ont tout fait pour rendre strictement subjective la notion de haut débit pour les consommateurs. Outre qu'il existe une distinction entre débit ATM et débit IP qui produit une différence d'affichage de 25%, les opérateurs communiquent sur les débits maximums possibles et laissent à penser que le débit n'a pas de valeur puisque le prix du 512Kbps est dans de nombreux cas au prix du 10 Mbps. Par ailleurs, il n'est presque jamais précisé qu'il s'agit de débits descendants tandis que les débits montants (de l'abonné vers le réseau) sont généralement plus faibles.

On doit ajouter que le débit brut n'est pas le débit utile (avec des ratios qui varient avec la technologie et les protocoles mis en œuvre) et que les informations sur les transferts de données sont généralement exprimés en kilo ou méga octets (et non en kilo ou mega bits) ce qui complique l'appréciation de l'adéquation du support au contenu.

Enfin, et ce n'est pas la moindre des sources de confusion pour les clients dans l'optique de la convergence fixe-mobile qui nous est promise, les opérateurs mobiles affichent quant à eux le haut débit à partir de 100Kbps (EDGE et UMTS) quand ce n'est pas 30Kbps (GPRS). Dès lors le très haut débit mobile risque de faire son apparition dès le premier mégabits transmis.

Par conséquent le très haut débit restera une appellation marketing ne permettant pas d'aider au choix éclairé des consommateurs sauf à en réglementer l'usage. L'AFUTT prendra des initiatives auprès du CNC (Conseil National de la Consommation) en ce sens, afin de mettre au clair l'affichage du débit vis-à-vis des consommateurs.

2. Lutter contre la fracture numérique

Beaucoup reste à faire pour permettre l'accès de tous à l'Internet haut débit.

L'avènement des projets Très Haut Débit amène une réflexion sur les risques d'une double fracture : Zone bas débit / Zone haut débit / Zone très haut débit

Les techniques hertziennes et filaires sont appelées à ce complèter pour assurer la couverture des zones blanches.

Mais les promesses d'un véritable très haut débit symétrique en solution hertzienne sont assez hypothétiques.

Par ailleurs il faut distinguer les cas d'usage totalement fixe, nomade ou mobile.

De plus en matière de solutions hertziennes, il convient de s'assurer que l'augmentation des sites d'émission, l'usage de nouvelles fréquences et modulations ne posent pas de problèmes pour la santé et l'environnement, afin de respecter le principe de précaution qui leurs sont applicables.

D'un autre côté, les coûts et la vitesse de déploiement semblent à l'avantage des solutions hertziennes.

C'est pourquoi l'AFUTT estime qu'il faut raisonner globalement tenant compte tout à la fois des besoins en haut débit et très haut débit et des besoins fixe et mobile.

3. Maintenir la liberté de choix des consommateurs

Dans un univers de services multimedias; la question doit être posée des conditions d'accès aux réseaux et aux offres.

Parmi les libertés à préserver pour le consommateur il y a celle du choix de ses équipements terminaux, c'est-à-dire pouvoir disposer de l'appareil qu'il veut ou dont il dispose. Le soutien à la normalisation des interfaces d'accès et des middleware, puis la promotion des solutions normalisées et l'affichage avant vente des niveaux d'interopérabilité forment les principaux moyens d'actions sur ce point.

Le domaine de la domotique dans ses différents aspects de type connectique et réseau domestique est a investiger avec attention, car le THD au-delà de 20Mbps ne sera probablement pleinement justifiée que par la multiplicité des terminaux et des usages simultanés de l'accès au réseau Internet par les différents utilisateurs ou équipements de la maison.

Enfin, l'excès de groupement des offres (triple play, quadruple play, etc...) ne peut que limiter l'émergence des nouveaux usages et placer le consommateur en situation de dépendance.

4. Le THD pour qui ? pour quoi ?

Il est toujours très difficile de décrire précisément les nouveaux services et usages que l'évolution des technologies (dans le cas d'espèce l'augmentation de la bande passante dans les réseaux d'accès) peuvent induire.

Les quelques éléments dont ont dispose en matière d'évolution des usages se résument aux grandes tendances, telles qu'il est possible de les observer :

  • une plus grande perméabilité des usages privés et professionnels ;
  • une appétence toujours renouvelée et apparemment sans limite pour les services de relation interpersonnelle (téléphone, sms, email, messagerie instantanée, forum...) ;
  • un désir de production et d'être acteur des médias en forte augmentation (page perso, blog, vote sms, photos, vidéos...) ;
  • les usages liés aux loisirs, aux jeux, et aux relations amoureuses sont toujours très prégnants et susceptibles de trouver des voies nouvelles avec les nouvelles technologies.

Pour les entreprises toutes les formes de services permettant de développer le travail collaboratif la productivité et la flexibilité dans le travail sont de nature à nécessiter des besoins accrus en bande passante.

Les freins et à l'inverse les facteurs de succès en matière d'adoption des nouvelles technologies sont assez bien cernés et L'Afutt qui est à l'écoute des utilisateurs depuis près de 40 ans, et obervateur privilègié de l'évolution des usages dans ce secteur les rappelle ici :

  • D'une part il y a un ensemble de facteurs qui forment un socle de caractéristiques essentielles : l'accessibilité (prix, disponibilité..), la fiabilité, l'interopérabilité, la sécurité, la protection de la vie privée, la simplicité et le continuum d'usages.
  • D'autre part il y a tout ce qui relèvent du sociétal et du culturel.

L'un des freins difficile à évaluer concerne la question de la pression du temps. L'individu sature dans ses capacités à communiquer. Toutefois cette impression est en grande partie relative et subjective puisque l'on relève des réactions négatives de ce type depuis l'invention même du téléphone, ce qui n'a pas empêché son développement et l'intensification des usages.

Quoi qu'il en soit il faut d'abord être au clair sur la logique qui sous-tend la marche vers le très haut débit. S'agit-il de répondre à des besoins ou de créer un appel d'air pour redoper l'économie du numérique qui marque le pas selon certaines données et certains analystes. Si l'on se place dans la deuxième situation il faut naturellement réfléchir dès à présent aux mesures à prendre pour accroître la demande d'offre (voir l'appétence) de très haut débit par les utilisateurs résidentiels, entreprises, ou institutionnels. Mais ce type de stratégie est assez risquée (en particulier s'il faut faire des hypothèses sur la rapidité d'adoption) comme le montre le difficile décolage des usages 3G sur les mobiles.

En ce qui concerne les initiatives que pourraient prendre les pouvoirs publics dans le but de faciliter l'émergence du haut débit en France l'Afutt estime qu'il serait de bonne politique de considérer deux axes :

  • prendre toutes mesures aux fins de renforcer la confiance des consommateurs et leur protection. Ce faisant les pouvoirs publics participeront activement à la levée de certains freins du côté des usages, et favoriseront le développement d'un marché sain et durable et donc la sécurisation des investissements nécessairement lourds et de long terme comme le rapport de l'Idate le montre clairement ;
  • identifier et imaginer de grands chantiers pour la mise en place d'applications à forte valeur ajoutée dans le domaine des services publics et d'intérêt général qui nécessitent (ou seraient grandement améliorés) par l'essor du très haut débit, par exemple dans les domaines tels que la télémédecine et le télé-enseignement.

5. Le Très Haut Débit à quel prix ?

Le niveau de prix est le point déterminant du développement des marchés de masse. Toutes les enquêtes le montre et la baisse du prix permet le développement du service. En ce qui concerne Internet, cette variable est déterminante, le coût de la connexion et surtout le budget d'acquisition d'un PC et de ses logiciels a longtemps retardé et freine encore sa diffusion massive pour une partie du public. Les structures tarifaires adaptées sont le gage du succès. La simplicité et la transparence des tarifs sont appréciés et sont des facteurs significatifs de développement des usages. Les forfaits, à fortiori les vrais forfaits c'est à dire les offres illimitées ont évidemment un grand impact sur les usages, comme le montre plusieurs exemples à travers l'histoire des télécommunications.

Au global, les consommateurs sont plutôt habitués à rechercher les offres les moins chères et prêt à changer de fournisseur pour bénéficier des meilleurs tarifs. Dans ces conditions l'Afutt estime peu probable une augmentation significative de la consommation des ménages dans ce secteur sous la simple influence de l'émergence du haut débit. En tout état de cause il faut garder à l'esprit que les clients, qu'ils soient entreprises ou particuliers, n'achètent pas du haut débit mais des services.

6. Des adaptations du cadre législatif et réglementaire paraissent nécessaires

L'AFUTT a fait remarqué à plusieurs reprises lors de l'analyse du nouveau cadre règlementaire issu des directives européennes de 2002 que les énormes enjeux du marché du multimédia nécessitent de mettre en place des dispositifs réglementaires adaptés, homogènes, et capables de protéger efficacement les consommateurs. A cet égard, l'Afutt estime que le cadre actuel reste en retrait des objectifs annoncés sur la neutralité technologique et la convergence des réseaux et n'accompagne pas suffisamment le formidable développement des nouveaux services. En particulier, l'Afutt juge inéluctable un rapprochement entre le CSA et l'ARCEP dans le but de réguler efficacement les différents acteurs du marché qui, pour leur part, ont déjà largement débordé de leurs métiers d'origines.

Face aux nouveaux modèles économiques et marketing qui émergent de l'extension et de la refonte de la chaîne de valeur, et que le très haut débit est supposer renforcer, il est urgent de mettre en place une régulation qui dépasse les clivages antérieurs en particulier entre les communications électroniques et l'audiovisuel.

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